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Moutarde de Dijon, rasoirs de Guingamp. Ce que les Français savaient de la France au Moyen Âge

Qu’est-ce que les Français du Moyen Âge et de la Renaissance savaient de leur pays ? Léonard Dauphant (Université de Lorraine) et Emmanuel Laurentin (France Culture – La Fabrique de l’Histoire) dialoguent autour du livre Géographies. Ce qu’ils savaient de la France (1100-1600) (Champ Vallon, 2018).

Premier livre à étudier ce que les Français des 12e-16e siècles savaient de leur pays au moment où la France se forme comme paysage, comme Etat et comme nation, Géographies dépasse les limites entre Moyen Âge et Renaissance pour restituer un savoir populaire sur la longue durée, en analysant les connaissances ordinaires des pauvres et des riches (la Folk-geography des Anglo-Saxons). Ce savoir est d’abord un répertoire d’expériences concrètes et de références partagées. Quelques-uns de ces lieux communs ont survécu jusqu’à nous : c’est le cas de la « moutarde de Dijon ». D’autres, comme les « rasoirs de Guingamp », n’habitent plus que les métaphores des poètes du Moyen Âge, pour dire tout ce qui coupe (le bon vin, ou la langue des femmes). Ainsi, la littérature médiévale et moderne, des troubadours à Rabelais, de la Chanson de Roland à Montaigne, permet-elle de retrouver les traces de ce savoir perdu.

L’entretien évoquera ce que les Français percevaient de la France (paysage visuel et sonore), ce qu'ils en savaient (lieux, productions, peuples, monuments, légendes), ce qu'ils en disaient (listes, proverbes) et ce que la culture française signifiait pour eux (langue, vin...). Le sujet n'avait jamais été traité faute de sources. Les historiens de la géographie ont bien étudié les connaissances savantes ; les littéraires se sont intéressés à l'espace purement abstrait. Pour aller plus loin, il faut combiner trois disciplines, histoire, littérature et géographie, pour retrouver un savoir concret partagé par les élites et le peuple. Cette approche nouvelle restitue l’amour du paysage et la sensibilité écologique du Moyen Âge ; elle rend compte de connaissances populaires jusqu'ici ignorées. L’analyse de la naissance du sentiment national et des rapports complexes entre l'Etat et les régions (Occitanie, Bretagne...), montre également comment la nation française s'est construite dans la diversité, en façonnant des identités multiples.

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