Les temps de la ville : rythmes, périodisation, historiographies
Carte Blanche à la SoPHAU
La monumentale Histoire de la France urbaine (1980-1985) était organisée selon un découpage en époques antique, médiévale, moderne et contemporaine, qui s’impose encore souvent dans les études urbaines. Pourtant l’évolution des villes s’inscrit dans des temporalités plus longues et dans des permanences qui transcendent cette périodisation — le tracé des rues antiques se lisant encore parfois dans les tissus urbains d’aujourd’hui —, tout en connaissant aussi parfois de brusques accélérations. Il convient donc de s’interroger sur les rythmes propres des évolutions urbaines et sur la pertinence des cadres chronologiques traditionnels et l’usage qu’en peut faire l’historien.ne, en particulier quand sa recherche concerne une aire culturelle non occidentale. Les permanences que l’on observe relèvent elles-mêmes non seulement de la matérialité, mais aussi des représentations : éloges de villes, guides touristiques ou séries télévisées font perdurer des images urbaines héritées (quand elles ne fabriquent pas cet héritage), et contribuent ainsi à diffuser ou produire des normes susceptibles d’influer aussi bien sur les perceptions individuelles que sur les politiques urbaines. Cette dialectique entre le passé et le futur est au cœur de tout projet urbain, et rend d’autant plus cruciale une réflexion critique sur la temporalité. Les sources mêmes mobilisées par la recherche historique doivent aussi être réexaminées de ce point de vue : de quelle ville sont-elles vraiment contemporaines, où est leur part d’anachronisme ? Les différentes historiographies de la ville sont elles-mêmes prises dans cette tension entre des temporalités multiples, que l’on s’efforcera de démêler.