La Russie en guerre contre l'Ukraine. Perspectives historiennes sur la mobilisation du passé
Carte blanche au Centre d'Histoire de Sciences Po (CHSP)
Le 24 février 2022, sur ordre du Président Vladimir Poutine, les armées russes ont envahi l’Ukraine provoquant une guerre de grande intensité. L’armée ukrainienne et la population, malgré des moyens militaires et humains disproportionnés, résistent à l’offensive. La liste des victimes, y compris civiles, ne cesse de s’allonger, des centaines de milliers de personnes fuient les combats et les destructions matérielles se multiplient. Au terrorisme des bombes sur les villes ukrainiennes, s'ajoute la répression des Russes qui refusent de suivre Poutine dans l'agression de l'Ukraine et le déni de sa souveraineté construite au cours du XXe siècle.
L'argumentaire historique est omniprésent. La véritable déclaration de guerre de Vladimir Poutine commence par un long cours d'histoire révisionniste qui accuse Lénine d'avoir créé artificiellement une nation et un État ukrainiens et les Ukrainiens d'être des nazis. Les Ukrainiens mettent en avant face à l'ADN des Russes, à la fois autocratique et servile, la liberté et la démocratie de la République cosaque du Dniepr des XVIe-XVIIIe siècles et la tradition de la résistance à l'oppression.
Pour beaucoup de celles et ceux qui vivent ou observent cette guerre, la sidération vient aussi de l'impression d'un combat fratricide, tant les sociétés ukrainienne et russe ont pu fonctionner ensemble sur la longue durée. Le Holodomor et l'annexion soviétique de la Galicie orientale sous Staline, après la répression de l'Eglise uniate et l'interdiction de la langue ukrainienne par les tsars rappellent cependant que les liens entre la Russie et l'Ukraine sont ceux d'une histoire impériale où Moscou impose, tandis que Kiev et Lviv résistent. Le conflit est aussi un conflit de générations entre une gérontocratie russe post-soviétique issue des services secrets et des quadragénaires ukrainiens médiatiques, sortis des urnes et de l’audimat télévisuel.
La mobilisation du passé dans cette guerre de bombes mais aussi de twitt, d’images terrifiantes, mais aussi d’humour grinçant, rend plus indispensable que jamais le travail d'analyse et de mise en perspective historienne selon différentes durées.
Cette table ronde permettra de croiser la longue durée et l'histoire immédiate avec trois spécialistes de périodes différentes.