Al lavoro ! Cinq siècles de présence des travailleurs italiens en France (XVIe-XXIe siècles)
Carte blanche à la Societé italiana di storia del lavoro
Pour tenter de comprendre l’un des phénomènes les plus complexes de notre époque contemporaine - les migrations - l’histoire du travail peut fournir des clés de lecture indispensables. En effet, le travail a toujours été l’un des principaux moteurs qui a déclenché des flux migratoires temporaires ou définitifs, sur de longues ou de courtes distances. Cette table ronde entend en observer les dynamiques à travers les parcours des travailleurs italiens en France, un terrain d’étude privilégié pour l’importance que le phénomène a pris sur le long terme. Issus de toutes les régions d’Italie, les travailleurs et travailleuses, employés dans différents secteurs productifs, ont tracé des parcours migratoires multiples, qui prennent des profils différents selon les régions d’origine, le sexe, les professions. Observer le phénomène migratoire à travers les expériences des travailleurs italiens en France permet une perspective de longue durée. Les verriers piémontais de la Renaissance, les exilés politiques napolitains de la période révolutionnaire, les ouvrières de l’industrie de la soie et les maçons de la seconde moitié du XIXe siècle, les travailleurs siciliens et piémontais du second après-guerre constitueront autant de points d’observation pour retracer la longue histoire des migrations professionnelles italiennes en France. Ces expériences mettent en évidence le rôle des migrations en tant que vecteur important de transmission des connaissances et des techniques de production : pensons, par exemple, aux verriers piémontais et vénitiens qui, entre le XVIe et le XVIIe siècle, ont transmis les secrets de la production de verre à l’italienne en France et en Europe ; ou aux entrepreneurs et travailleurs spécialisés du bâtiment, venus principalement des régions alpines et appréciés dans toute l’Europe pour la haute qualité de leur travail. En même temps, les vicissitudes des travailleurs italiens en France soulignent les défis et les difficultés, communes à toutes les expériences migratoires, de s’insérer dans de nouveaux contextes professionnels, comme dans le cas des exilés napolitains qui cherchent à "vivre de leurs talents " à tous les niveaux du monde du travail. Observé du point de vue des acteurs, le phénomène migratoire révèle la multiplicité des stratégies d’insertion socioprofessionnelle, qui varient selon les groupes régionaux, les professions et le sexe. La comparaison de groupes de migrants provenant de différentes régions italiennes met en évidence les différences au sein de la catégorie "immigrés italiens", les processus d’insertion et le rôle des liens personnels en tant que canaux d’accès aux "opportunités" et en tant qu’élément de réduction des effets déstabilisants inhérents à la migration. De même, la comparaison dans une perspective de genre entre les processus d’intégration professionnelle des travailleuses de l’industrie de la soie et celles du secteur de la construction nous permettra d’observer les dynamiques à l’œuvre dans les filières migratoires féminines et masculines, en révélant des points communs et des différences. La table ronde réunit des spécialistes de différentes périodes historiques et de différentes disciplines - histoire et sociologie - afin de multiplier les points de vue et les interrogations sur un phénomène crucial de notre présent.