Vernant, Simondon, Derrida. Un dialogue entre histoire ancienne et philosophie contemporaine pour penser la « survie » des disparus ou la « revenance » des esprits
Carte blanche à ENS Éditions À l'occasion de la publication de l'ouvrage : Penser l'humain et la technique. Simondon et Derrida après la métaphysique d'Anne Alombert (ENS Éditions) Comment penser l’étrange « présence » des morts parmi les vivants ? Telle est la question que cet entretien a pour but d’explorer, en faisant dialoguer histoire ancienne et philosophie contemporaine. En effet, dans leurs travaux, les philosophes Gilbert Simondon et Jacques Derrida proposent de penser la « survie » des disparus ou la « revenance » des esprits hors d’une conception métaphysique de l’âme. Il s’agit ainsi de s’interroger sur la capacité des individus à devenir significations dans le collectif, en inscrivant leurs consciences et leurs actes dans des œuvres, qui sont autant de traces spectrales à travers lesquelles les morts se maintiennent parmi les vivants, selon une modalité d’être que les oppositions traditionnelles entre individu et collectif, corps et âme, vie et mort, présence et absence ne suffisent plus à appréhender. Ce faisant, Simondon et Derrida semble renouer avec la conception de l’immortalité caractéristique de la Grèce archaïque, qui ne pense pas la survie comme éternité d’une âme immatérielle, mais comme inscription du sujet individuel dans la mémoire collective, lui permettant d’échapper à la mort alors conçue comme « oubli », « silence », « obscure indignité » et « absence de renom ». Cette « immortelle renommée », « transmutation » du sujet qui « continue d’exister sur un autre plan », avait été mise au jour dans les travaux d’anthropologie historique de Jean-Pierre Vernant et de Nicole Loraux. Nous tenterons de montrer que l’articulation entre l’histoire ancienne et la philosophie contemporaine peut être féconde pour dépasser l’opposition entre vivants et morts, afin de penser la présence des disparus et la revenance des esprits, qui sont au coeur des pratiques de l’histoire comme de la philosophie.
