Organiser et réguler le travail, perspectives transnationales du Moyen-Âge à la guerre froide
Plusieurs moyens juridiques sont mis en place à la fin du Moyen Âge pour réguler et organiser le travail. Des contrats notariés permettent aux acteurs du monde du travail de définir les relations de travail, notamment les mises en apprentissage et les rapports salariaux. Ces contrats entre personnes privées ne sont naturellement pas les seuls cadres de régulation du travail, les groupements professionnels, comme les métiers, mais aussi les institutions politiques, comme les conseils des villes, participent à la réglementation du travail. Partant du constat que les corporations n'envisagent pas le travail tel quel (comme simple rapport entre pénibilité et production), mais comme rapport à des pôles moraux (arts libéraux et arts mécaniques, industrie et manufacture) ; la règle est surtout pour elles un lien au privilège et donc à l'appropriation, à la possession. La régulation du travail est analysée sous l'angle d'un exercice ou d'une revendication de droits, sur l'espace de la confection et de la vente. Le travail s'insère dans des enjeux conflictuels entre métiers, entre privilèges et entre grandeurs sociales. Au XXe siècle, la régulation du travail est portée par des institutions comme les ministères ou l’Organisation internationale du Travail qui œuvrent à la mise en place de normes, de lois, de règlements, de conventions qui établissent des droits sociaux et cadrent les conditions de travail dans une globalité qui s’intensifie. De l’entre-deux-guerres à la guerre froide, la tentative de régulation partie des nations européennes les plus industrialisées s’étend aux autres nations, aux autres continents, avec des succès variables. L’OIT tente de représenter les mondes du travail et de les imposer dans les relations internationales et pose le principe de justice sociale adossé au travail afin de maintenir la paix sociale et universelle. Les relations professionnelles voient le développement des négociations collectives considérées dans le premier XXe siècle comme un outil pour uniformiser et améliorer les conditions de travail, renforcer le contrôle ouvrier sur les conditions de travail et œuvrer pour la paix sociale. Celles-ci se développent inégalement dans les pays européens et soulignent des partitions différentes jouées par les acteurs sociaux, les États et les syndicats. Analyser la régulation du travail nécessite de s’intéresser aux institutions, aux acteurs, aux pouvoirs, aux contre-pouvoir, aux cultures juridiques ou aux cultures conflictuelles, dans une dimension transnationale et d’étudier les espaces sociaux de la conciliation.