Nous sommes venus en France : archive et narration
Carte Blanche aux Éditions Anamosa
Au cours des dernières décennies de l’Algérie coloniale, de jeunes gens choisissent de venir en Métropole, seul·es, pour rejoindre qui une cousine, qui un père ou un mari, ou simplement trouver un travail et une vie meilleure. Arrêté·es pour vagabondage ou de petits délits, ils et elles sont retenu·es quelques mois dans un centre d’observation en région parisienne, en attendant la décision d’un juge. C’est donc sous le regard et à la demande de l’institution judiciaire, éducative, policière, psychiatrique qu’ils et elles racontent et dessinent leurs aspirations ordinaires d’adolescents.
En historien minutieux attaché au travail d’écriture, Mathias Gardet a tissé un récit choral pour restituer et éclairer cette archive. À hauteur d’adolescents, le « nous » des jeunes Algériens se mêle à la voix de chacun d’entre eux ; à hauteur d’historien, la subjectivité du narrateur se déploie dans le présent de l’enquête ; la voix de l’institution enfin oppose un écho glaçant et empreint de racisme.
Ce remarquable dispositif de narration, éminemment incarné, est un laboratoire de l’histoire à la croisée du sensible, du littéraire et du politique.