Molière, le masque et la plume. Vie, œuvre et postérité d'un mythe national

Comme Shakespeare avant lui, Molière est l’archétype de l’homme de théâtre : homme de scène, de plume et de cour, aucune dimension du spectacle ne lui est étrangère. S’il devient auteur, c’est d’abord pour fournir des rôles à ses comédiens, en prenant en compte les contraintes de la scène, ce qui en fait un écrivain de plateau. C’est le regard rétrospectif de la postérité qui fera de lui un auteur canonique du répertoire classique, au prix de la sanctification d’un texte qu’il considérait plutôt comme une partition de jeu. Ironie de l’histoire, quand on sait que l’Académie française ne l’a jamais admis en son sein, en raison de sa profession déconsidérée d’acteur. Celle-ci fait pourtant précisément la singularité de son écriture. Sa vie vouée au théâtre, expérimente toutes les conditions du métier puisqu’il gravit les échelons du saltimbanque à l’artiste pensionné, favori de Louis XIV. Si son théâtre est en phase avec tous les publics, c’est qu’il doit composer avec des catégories distinctes de spectateurs : ceux de la ville et ceux de la cour. Un ensemble de jugements rétrospectifs et de mythes politiques feront de lui l'écrivain national par excellence, et le représentant désigné de la langue française, en France comme à l'étranger, inspirant autant de déférence que de féconde irrévérence.