Machiavel : Gouverner à Florence au XVIe siècle

En partenariat avec les Amis du Château et des Musées de Blois

Dans une lettre à son ami Vettori, le 10 décembre 1513, Machiavel écrit que, pendant ses quinze ans de travail à la Chancellerie florentine il a fait son « apprentissage dans le métier de l'état ». Ce faisantn Machia-vel souligne trois points essentiels. D’abord, sa réflexion se fonde sur un parcours personnel et une stratifi-cation d’expériences. Ensuite, c’est la pratique qui fonde son propos. Enfin, cette pratique est la raison ma-jeure, pour laquelle, il serait utile que l’on fasse encore appel à lui à l’avenir, malgré le changement de régime qui vient d’advenir avec le retour des Médicis au pouvoir à l’automne 1512. Le travail à la chancellerie cons-titue à la fois un espace de construction d’un savoir spécifique et un lieu d’échange de connaissances entre les fonctionnaires de la chancellerie et les magistrats élus qui représentent la cité. - Pour le secrétaire, la frontière est parfois poreuse entre l’application des directives du gouvernement et la participation à l’élaboration des décisions. Machiavel est un bon exemple de la contamination entre l’infor-mation, le conseil, l’avis et les mesures prises. La situation est d’autant plus complexe que se vit alors une crise des vieilles formes politiques communales : dans ce « laboratoire florentin », chez Machiavel mais aussi chez d’autres, tels Guicciardini ou Vettori, voit le jour une conception originale du gouvernement qui va nourrir la pensée politique moderne. Cette pensée originale du gouvernement, la première caractéristique en est de répondre aux nécessités de la guerre en s’attachant à la « vérité effective de la chose » et non à « l’image » que l’on peut en avoir : cela signifie qu’il faut s’écarter des habituels traités de gouvernement. Il ne s’agit pas là d’un point de vue abstrait : l’expérience de pensée ne prend sens que dans son application à la réalité du gouvernement. L’horizon de Machiavel n’est pas théorique ; il dépend d’une conscience aiguë des risques que la guerre fait courir à « sa » république. Quand l’Etat peut disparaître les enjeux radicaux bousculent héritages, traditions et prescriptions. De là, des énoncés qui ont tant fait discuter depuis cinq siècles : le gouvernement ayant pour mission première d’assurer la survie de la république il peut y avoir des « cruau-tés » bien employées, des secrets et des dissimulations légitimes, des « remèdes » douloureux, des réac-tions adaptées à l’état d’urgence, des religions civiles nécessaires à la communauté ou un recours justifié à des hommes vertueux pour bousculer la fortune et maîtriser les temps « extraordinaires ». Voilà aussi pour-quoi cette conception du gouvernement peut dépendre d’un pari éthique et volontariste : puisqu’il ne faut jamais renoncer à agir, la pire des situations peut offrir la meilleure des occasions. Il ne s’agit pas là, comme on a pu le dire, de détacher la politique et le gouvernement de la morale mais de prendre en compte les rapports de force, ce que Machiavel nommait « la qualité des temps ».

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