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Lorsque l'image façonne l'histoire (de l’imaginaire antique au double virtuel contemporain)

Carte blanche au CeTHIS EA 6298 Université de Tours

L’image dont se sert l’Histoire se veut « objective », réaliste, démonstrative parce qu’elle est « vraie », y compris dans la reconstitution du passé. L’est-elle tant que cela ? D’où « parle » -t-elle, quel effet produit-elle ainsi ?  La rencontre proposée ici s’intéresse au pouvoir de création de l’image (« poïétique »), c’est-à-dire à sa capacité à susciter – via le symbolique- un imaginaire à partir duquel se construit une certaine vision de la réalité qui l’emporte sur toutes les autres possibles, voire sur son appréhension immédiate lorsqu’il est question du monde où l’on vit.

Cette construction, ou plutôt cette re-construction interprétative, s’observe essentiellement dans l’écart « chrono-culturel », lorsqu’il s’agit de « ressusciter » le passé ou d’inscrire le présent dans un avenir anticipé- catastrophique ou tout au contraire radieux-. C’est en ce sens que l’on balaiera l’arc chronologique de l’image antique, qui recouvre Rome –comme l’écrit J. Gracq[1]- comme une palissade se recouvre d’affiches, jusqu’à l’image contemporaine que paraît résumer la multiplication spéculaire des écrans de sociétés qui se donnent en spectacle à elles-mêmes. De récentes recherches ont en effet montré la pertinence du recours aux concepts antiques, selon une perspective qui mérite d’être encore explorée[2].

L’image qui réduit la complexité de la réalité fait que le signe vaut alors pour elle selon un processus annoncé il y a plus de trente ans par Jean Baudrillard à travers l’idée de « précession des simulacres »[3]. Réfléchir à ce mode de fonctionnement imagier paraît d’autant plus nécessaire aujourd’hui que l’apparition de moyens techniques nouveaux contribue à effacer la distance que, récits, vues d’artistes, reconstitutions graphiques en deux dimensions, permettait encore de maintenir, en proposant au contraire, une réalité « augmentée », peut-être encore imparfaite ou balbutiante, mais dont l’ambition est bien de procéder à la substitution de la réalité par les signes de son apparence. Il s’agit alors « d’une opération de dissuasion de tout processus réel par son double opératoire [-], qui offre tous les signes du réel et en court-circuite toutes les péripéties ». Grâce à la projection graphique et à la réduction d’échelle, « on [-] voit ce que le réel n’a jamais été (mais « comme si vous y étiez »), sans la distance qui fait l’espace perspectif et notre vision en profondeur (mais « plus vrai que nature »). A terme, on risque de ne plus croire ce que l’on voit, d’autant plus aisément qu’on ne voit plus que ce que l’on croit. « L’effet de réel » littéraire (Barthésien[4]) peut ainsi vite céder la place à la conviction des héros de Bioy Casarès ou de Philip K. Dick pour qui la production d’une image de la réalité vient à se confondre avec elle.

Historiens, historiens d’art, anthropologues, géographes, scientifiques, et autres spécialistes de l’image sont tout naturellement conviés à réfléchir à ce pouvoir « poïétique » de l’image à la fois indépendamment de toute barrière chronologique comme dans la confrontation des pratiques et des époques.

 

[1] Julien Gracq, Autour des sept collines, Paris, Corti, 1988.
[2] Milad Doueihi, Pour un humanisme numérique, Paris, Le Seuil, 2011.
[3] Jean Baudrillard, Simulacres et simulation, Paris, Galilée, 1981.
[4] Roland Barthes, « L’Effet de réel », Communications, no 11, 1968 , p. 84-89.

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