Les représentations de la traite transatlantique et de l'esclavage dans les musées en France
Carte blanche au Musée national de l'histoire de l'immigration
Longtemps occultée dans le récit national, l’histoire de la traite transatlantique et de l’esclavage est progressivement rentrée dans les musées en France. Malgré sa dimension traumatique et les controverses virulentes, les institutions patrimoniales s’appuyent sur les travaux universitaires et exposent les migrations forcées et les systèmes d’exploitation humaine qui en découlent, interrogeant également les idéologies raciales et racistes qui subsistent de nos jours à travers les préjugés et discriminations à l’encontre des populations noires. « Le choix du vocabulaire, la narration retenue, la question de la légitimité et de l’autorité de l’institution qui parle (et des personnes qui au sein de l’institution conçoivent le discours), la capacité de faire entendre plusieurs voix à l’intérieur de l’institution et autour d’elle : tels sont les enjeux de ce musée du XXIè siècle à (ré)inventer » selon le président de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage, pour exposer les « questions socialement vives ». Malgré les difficultés d’identifier et de conserver des traces matérielles, les musées constituent des collections sur les réalités du commerce des êtres humains ; ils exposent également des représentations de la traite et de l’esclavage qui ont contribué à implanter une « déshumanisation de l’autre » et une vision racialisante des rapports sociaux dans les sociétés européennes, et aussi des oeuvres contemporaines en résonance avec le passé colonial.
Comment peuvent co-exister dans un même espace muséal des représentations aussi contradictoires ? Comment les mises en espace des savoirs historiques favorisent-elles une lecture critique des œuvres et une dénonciation de la domination ? Quel dialogue et quels dispositifs singuliers se développent entre les chercheurs, les conservateurs et les artistes en vue de déployer des regards réflexifs et de déconstruire les représentations muséographiques de la traite et de l’esclavage pour mieux sensibiliser les publics ? Faut-il repenser l’institution muséale en conséquence ?