Les registres de la chancellerie royale accessibles en plein texte : la révolution des technologies de transcription automatisée
Conférence, Carte blanche au service interministériel des Archives de France
Les registres de la chancellerie royale constituent un observatoire privilégié des liens entre le gouvernement royal de la fin du Moyen Âge et les habitants du royaume, au moment où naît l’État moderne. Constitués de cahiers de parchemins dans lesquels on recopiait une partie des actes délivrés par la chancellerie, ils contiennent un nombre important de mesures à portée individuelle, notamment les lettres de rémission, bien mises en valeur par les historiens du crime et de la justice. Néanmoins, on y trouve également la trace d’autres décisions ayant une portée plus collective, à l’échelle du royaume, des villes et des communautés d’habitants. À travers les ordonnances, les grâces et les privilèges, les anoblissements, les concessions de terres, les droits d’exploiter la forêt ou la mine, les autorisations d’instituer des foires et des marchés ou encore de transférer des cimetières chargés des morts emportés par la peste, bien des aspects de la vie quotidienne transparaissent dans une description particulièrement vivante des cas examinés par le gouvernement. Catégories d’individus et schémas mentaux se révèlent dans un vocabulaire concret qui est loin de n’être constitué que de formules juridiques. - Aussi riches soient-ils, les registres de chancellerie souffrent d’un traitement inégal par les archivistes : seuls les registres les plus anciens ont fait l’objet d’un inventaire détaillé. Pour pallier ce manque, le projet HIMANIS, mené par l’IRHT de 2015 à 2017 et dont les Archives nationales ont été un partenaire actif, s’est donné pour but d’expérimenter, sur les registres allant du XIIIe au XVe siècle, des technologies de reconnaissance par ordinateur des écritures manuscrites. Ce procédé permet de transcrire de façon automatisée le texte du document et de rendre celui-ci accessible dans un moteur de recherche en plein texte. Le chercheur peut donc saisir directement un terme et examiner son occurrence dans les actes enregistrés. La numérisation de ces quelque 200 registres d’une part, le développement de ces technologies innovantes d’autre part offrent d’innombrables possibilités d’exploitation pour la recherche : il devient en effet possible d’apprécier plus finement, et dans une perspective quantitative, l’emprise du monarque sur ses territoires, plus ou moins forte d’une région à l’autre ou d’une époque à l’autre, ainsi que les modalités d’exercice de son pouvoir. L’accès à la grâce et à la faveur royale devient en effet un enjeu majeur à la fin du Moyen Âge ; il détermine le degré d’intégration à un État monarchique alors en pleine crise de croissance.