Les limites de la mer. Méditerranée, Mer Noire, XVIe-XIXe siècles
Où s’arrête la mer ? Au premier coup d’œil sur une carte, la distinction est évidente entre la masse terrestre et la vaste étendue bleue de la mer. Mais cette étendue est en réalité plurielle et fragmentée : il n’y a pas une mer, mais bien des mers, dont les contours échappent aux logiques terrestres des États modernes et qui sont au centre de multiples rivalités. S’il est difficile de tracer des limites au sein d’un espace fluide, il n’est pas non plus certain que la mer s’arrête à la ligne de côte. Observée depuis des espaces hybrides, fleuves, lagunes ou archipels, elle apparaît moins comme une frontière que comme un invitation à repenser l’articulation entre humain et nature. Par leurs échanges et leurs mobilités, les individus redessinent les géographies maritimes et terrestres, amenant à repenser les limites terre-mer tout autant que les frontières étatiques. Espaces de limites, espaces de rencontres : les trafics maritimes passent par les ports, consulats, lazarets et fondouks, où l’administration du contact et de la différence est la condition de l’échange. C’est dans ces interfaces que prend place la médiation commerciale, légale, culturelle. L’affirmation de la souveraineté est constamment brouillée et négociée dans ces zones tampon qui, loin de représenter des marges, sont à bien des égards les véritables laboratoires de la première globalisation. À partir de l’observatoire de deux mers à la fois connectées et distinctes, la Méditerranée et la mer Noire, au cours d’une longue époque moderne de plus de quatre siècles, on cherchera à comprendre la multiplicité des modes par lesquels les sociétés humaines peuvent s’approprier l’espace maritime.