Les antisémitismes et leurs images
Carte blanche au Conseil Représentatif des Institutions Juives de France (CRIF)
Nous vivons aujourd'hui la convergence de deux antisémitismes : le premier est un antisémitisme archaïque, affirmatif, dénonciateur. Il multiplie des accusations canoniques dont l'énoncé ne varie que diverses mises au goût du jour. C'est un antisémitisme actif.
Le second est un antisémitisme contemporain, dénégatif, consistant à nier l'antisémitisme du locuteur lui-même et à récuser l'idée qu'une situation quelle qu'elle soit puisse être jugée antisémite.
Les acteurs de cette forme d'antisémitisme se présentent comme des spectateurs, des témoins, ou des juges sourcilleux, prêts à réfuter le discours des victimes et enclins à se porter garants de ceux qu'on accuse d'en être les persécuteurs. Un tel souci d'éviter la reconnaissance des souffrances s'apparente au « négationnisme », différent des négationnismes précédents. Car il ne s'agit plus d'effacer certains contenus embarrassants de la mémoire collective, mais d'intervenir avant même qu'une telle mémoire se constitue : face au « négationnisme correctif », je parlerais alors d'un « négationnisme préventif ».
Chacun des deux antisémitismes produit des images : on a souvent étudié celles, invitations brutales à la haine, à la peur ou au mépris. On a rarement étudié les autres, et pour cause : peut-on en effet recourir à des images pour construire l'aveuglement ? Mais c'est bien de cet aveuglement qu'il s'agit.
Face à des images incitatives, y a t-il aussi des images sédatives ? (Daniel Dayan)
Voici quelque chose de stupéfiant et d'insoutenable : l'absence d'images au sens « représentation » de la réalité de la violence, tout comme la volonté de ne pas la nommer... Il n'est pas rare que la personne qui nomme ou décrit la violence passe pour être violente et suscite l'indignation. Ce qui me frappe alors, c'est la négation récurrente de la violence. La violence de l'antisémitisme, c'est aussi cette invisibilation. C'est la compacité du silence. (Paul Zawadzki)
Trois questions posées ici :
- L'information du public nécessite-t-elle des images crues ? Que cherche-t-on en exposant ces images ? Quand faut-il montrer l'horreur ? Quand faut-il s'en abstenir ?
- N'existerait-il pas un vocabulaire, une scénarisation propre aux seules guerres israéliennes, des différences majeures entre la représentation des guerres d'Israël et de celles des autres conflits régionaux ?
- Peut-on proposer une analyse des caricatures antisémites à partir des grands antisémythes dont elles sont dérivées : massacre des innocents, libelle de sang, crime rituel, culpabilité liée à la Shoah. (Joël Kotek)
Il s'agit d'étudier ici le poids des images dans la représentation des conflits et d'aborder l'histoire du conflit israélo-palestinien comme « guerre des images ». Par rapport au rôle disproportionné que jouent ici les images, n'existe-t-il pas, par contraste, des conflits sans images ? La question du dit et le non dit des images sera abordée en référence à la question du cadrage, à la stratégie documentaire de Claude Lanzmann (absence systématique d'images de la Shoah dans le film du même nom) et en référence à la question des nouvelles images (temps réel et temps numérique). (Jacques Tarnéro)