L’épuration et ses images
« Alors que l’orage s’éloigne, une tâche immense s’impose à tous les Français : celle de refaire notre belle France que les nazis ont souillé de leur présence. »
Cet écho du Travailleur de l’Oise en octobre 1944 illustre la démarche de ce livre : s’attacher, dans la veine d’une historiographie renouvelée, aux Françaises et aux Français face à l’épuration ; c’est-à-dire à l’étude d’un sujet trop souvent considéré à la seule aune de sa dimension politique et institutionnelle. L’ouvrage s’attache à la dimension populaire de l’épuration, non comme un épiphénomène, le catalyseur des « excès de la foule » qui déborderait les nouvelles autorités, mais au contraire comme un mouvement antérieur au pouvoir politique s’installant à la Libération. Deux dynamiques coexistent en effet dès le début de l’Occupation. L’une, en France, souterraine mais qui s’étend, lente et silencieuse, entend menacer les traîtres et l’heure venue, les tuer ; l’autre, à Londres, puis dans les autres terres d’exil, réfléchit à la justice et prépare des ordonnances. Ces dynamiques sont disjointes mais se conjuguent finalement au moment de la libération des territoires dans une grande diversité de situations.
Cette histoire sociale de l’épuration prend en considération également la question du genre : les relations entre les femmes et les hommes ne sont pas seulement perturbées durant la guerre, leurs identités respectives le sont également et durablement. La volonté de régénération de la patrie et des mœurs, notamment des mœurs féminines, explique l’ignominie des tontes. C’est donc dans un cadre géographique élargi que cet ouvrage envisage l’épuration : du village au pays tout entier, jusqu’au continent et à l’Empire. Tout comme s’élargit le cadre social, de l’intimité du domicile et de la famille au bureau, à l’usine ou au champ, de la rue au tribunal, des Maquis aux prisons.