Le poids des images, le choc des imaginaires : hommage à Pierre Laborie

Carte blanche à la revue Monde(s) - Presses universitaires de Rennes

La thématique choisie pour les Rendez-vous de l’histoire 2018, « La puissance des images », offre une belle l’occasion de rendre hommage à Pierre Laborie récemment disparu, qui, en étudiant « l’opinion française sous Vichy », a complètement renouvelé l’histoire des images, des représentations, des imaginaires en empruntant de nombreuses grilles d’analyse aux sociologues. Il nous apprend beaucoup sur les ambivalences des images : toute image positive comprend du négatif et inversement ; toute image de l’Autre comporte une projection de Soi dans l’Autre, déclenchant dans chaque société une dynamique dialectique entre identité et altérité. De même, il insiste sur la façon dont les représentations s’inscrivent dans le temps, dans une triple temporalité ; elles héritent d’un passé, se développent en fonction des enjeux du présent, mais, ce que l’on oublie souvent, s’articulent également entre elles, au sein de l’imaginaire social, en fonction d’un avenir espéré ou redouté.

La revue Monde(s). Histoire, espaces, relations, propose, en guise d’hommage, de mondialiser la « méthode Laborie », de vérifier si et comment elle peut s’appliquer aux systèmes de représentations dans différentes parties du monde, de la décliner dans la perspective de l’histoire globale et transnationale – perspective de cette revue –, en croisant les approches de spécialistes de plusieurs aires régionales. Un axe commun traversant les exposés est proposé, sans que chacun d’entre eux se réduise forcément à lui : « L’Occident dans les imaginaires de telle ou telle région du monde. » Les ambivalences peuvent se transformer en tensions : dans ce cas, le poids de l’image de « l’Ouest » dans le « reste » du monde, à défaut de provoquer le choc entre les civilisations entrevu par Samuel Huntington, ne suscite-t-il pas plutôt un choc des imaginaires à l’intérieur de chaque aire civilisationnelle ?