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Le Moyen Âge, un laboratoire du gouvernement

Table ronde, Carte blanche à la SHMESP (Société des historiens médiévistes de l’enseignement supérieur public)

Une des principales idées reçues de l’histoire politique consiste à penser que nos modes de gouvernement dérivent principalement d’un système politique, celui de la « démocratie athénienne », mettant entre parenthèses un millénaire médiéval figé dans de stériles et immuables modalités de gouvernement monarchique assimilées à de la domination pure. Le but de cette table ronde est de faire discuter divers spécialistes des mondes politiques médiévaux afin de montrer, à partir d’exemples précis, la fertilité créatrice du Moyen Âge en termes de modes de gouvernement, et pas forcément là où on l’attendrait. On explorera donc, au sein d’un débat fécond, les innovations gouvernementales dans le monachisme, les usages du droit, les communes italiennes et le monde islamique. - En effet, dans un millénaire médiéval où s'affirme, en Occident, le poids des lignages, l'Eglise offre un contre-modèle par le recours à l'élection pour désigner ses responsables : élections pontificales et épiscopales, mais aussi élection des supérieurs dans les communautés monastiques. La modernité de telles pratiques est encore plus frappante quand on sait qu'elle vaut pour des communautés mixtes ou féminines, avec de nombreux siècles d'avance sur les communautés civiles, y compris nos actuelles démocraties. Autre cas-type, l'Angleterre médiévale constitue un exemple précoce de gouvernement limité par le droit. Cette situation tint bien sûr à l'importance centrale de la Magna carta et de ses nombreuses confirmations pour la limitation de la prérogative royale. Mais elle est surtout liée à l'émergence et à l'affirmation de la Common law comme corps de droit séparé de l'autorité monarchique, protecteur des intérêts des sujets et reposant sur une communauté soudée de juristes jaloux de leurs privilèges et gardiens sourcilleux de leur indépendance. Parallèlement, dès le XIIe siècle, les communes italiennes inventèrent des formes originales d'un gouvernement collégial laïc capable d'administrer les villes les plus peuplées de l'Occident du temps. Affirmant leur autonomie face aux pouvoirs impérial et épiscopal, les communautés civiques expérimentèrent durant plus de trois siècles différents systèmes institutionnels qui furent adaptés aux évolutions profondes et parfois rapides des sociétés du temps. Assemblées, conseils et magistratures collectives sans cesse renouvelés assurèrent une large participation des citoyens au pouvoir communal malgré des tensions récurrentes. Enfin, le monde islamique médiéval est le théâtre de différentes expériences de gouvernement, au croisement d'héritages et d'expérimentations multiples. L'une des plus originales est sans conteste celle des Mamelouks, aristocratie militaire allochtone recrutée par le biais de l'esclavage, qui gouverna l'Égypte et la Syrie à la fin du Moyen Âge. Cette expérience est à replacer dans le cadre plus large du gouvernement des États par des élites guerrières étrangères aux sociétés gouvernées, qui se sont imposées dans l'ensemble du monde islamique à partir du XIe siècle, et dont les Francs dans le Proche-Orient des croisades ne sont qu'un avatar.

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