Le « gouvernement des juges » en France, du Moyen Âge à nos jours

Table ronde, Carte blanche à l’Association française pour l’histoire de la justice

Introduction : L’expression « Gouvernement des juges » est empruntée au livre d’Édouard Lambert (1921) qui décrit la lutte des juges de la Cour suprême contre la législation aux États -Unis et la remise en cause de la séparation des pouvoirs. En France, cette expression est actuellement utilisée pour désigner l’évolution récente de la justice depuis trois décennies. Le pouvoir des juges à gouverner est-il mythe ou réalité ? Cette crainte est-elle fondée ? - I. Faible place des instances judiciaires dans l’art de gouverner - - Les évolutions institutionnelles actuelles favorisent-elles le gouvernement des juges ? - Cour européenne des droits de l’homme, Cour de justice de l’Union européenne, Conseil constitutionnel, Conseil d’État, Cour de cassation : on assiste à une émancipation progressive des juges et de la jurisprudence vis-à-vis du politique et de la loi nationale. - Force du passé d’Ancien Régime. À l’inverse, construction historique de long terme dans la France d’Ancien Régime : le roi est devenu « empereur en son royaume » parce qu’il est « fontaine de justice » et ne fait que déléguer son pouvoir justicier. - - Coup d’éclat de la Révolution française : élection des juges et séparation des pouvoirs. - En réalité hostilité des révolutionnaires à donner un pouvoir normatif aux juges. La Loi prédomine. - Les XIXe et XXe siècles restent fondés sur l’organisation de la justice étatique napoléonienne. Le pouvoir politique contrôle la justice, sauf de façon ponctuelle (affaire Dreyfus). - Conclusion : Lourd passé, mais actuellement les juges n’ont pas a priori de pouvoir normatif. - II. Le gouvernement des juges est-il alors un mythe historiographique ? - - Les juges, source de droit. - Sous l’Ancien Régime, le Parlement use du droit de remontrance et peut critiquer la justice retenue. Les juges conseillent le roi. Ils élaborent le droit et définissent la façon dont la société doit se gouverner. De nos jours, ils conservent ce rôle, même s’ils sont censés appliquer la Loi. Ils participent à sa création en amont, par le biais de la jurisprudence. - - La Révolution et l’irruption du peuple : le juge devient le garant du droit et de la démocratie, non seulement parce qu’il connait la loi mais parce que cette loi est au service des droits du peuple. La loi protège la démocratie et le juge doit veiller à son application… - - L’évolution depuis les années 1970 : L’explosion des affaires politico-financières et le soutien de l’opinion publique aux « petits juges d’instruction », l’apparition de magistrats issus de l’ENM, le syndicalisme, la coopération judiciaire européenne favorisent l’émancipation des juges. Par ailleurs le rôle du législateur est réduit par celui qu’exercent le juge constitutionnel, le juge européen et l’application des normes internationales. - Conclusion : En France, les juges peuvent-ils constituer un tiers pouvoir paraissant remettre en cause un gouvernement issu du suffrage universel ?

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