Le cimetière militaire : une entrée pour problématiser le bilan humain de la bataille du Chemin des Dames, 1917
« Longtemps le Chemin des Dames est resté dans le silence, relégué au fond de nos mémoires parce qu'il était devenu le Chemin des Morts, parce que les Dames n'avaient pas accouché d'une victoire ». Dans son discours devant le cimetière militaire de combattants français le 16 avril 2017, à Cerny-en-Laonnois, lieu emblématique de la bataille du Chemin des Dames, François Hollande met en lumière la crise militaire, morale et mémorielle liée à l’offensive ordonnée par le général Nivelle. Cette dernière a entraîné des milliers de morts et de disparus, du 16 avril 1917 jusque fin mai 1917, pour tenter de percer à tout prix le front allemand entre Soissons et Reims vers Laon. Alors, que nous apprennent les cimetières militaires sur la place des morts au sein de la société, et quelle image des défunts s’ancre dans la mémoire des vivants en raison de la nature même de cette guerre ?
Quatorze cimetières militaires français jalonnent le champ de bataille du Chemin des Dames. Par leur situation géographique sur le front, par leur étendue, par leur paysage, ces territoires dédiés aux « morts pour la France » sont un support pédagogique judicieux pour enquêter sur un théâtre majeur de l’année 1917. En stimulant le questionnement des élèves de 3ème sur ces morts, la mise en activité pédagogique doit les amener à donner du sens à un patrimoine et à problématiser le bilan humain de la violence de masse, et leur transmettre quelques clés pour comprendre la brutalisation des sociétés (G. Mosse) et la culture de guerre (S. Audoin-Rouzeau, A. Becker).
Les cimetières militaires captent l’attention des élèves. Leur intérêt est de féconder dans leur esprit des représentations mentales concrètes et de générer un raisonnement historique. Les alignements de stèles rendent compte de l’immensité des pertes, permettent d’identifier les soldats, de retrouver la date de l’assaut qui leur a coûté la vie, de s’interroger sur la participation des troupes coloniales et de mettre en relation ces pertes avec la stratégie du haut commandement.
C’est donc simultanément identifier le contexte. L’offensive Nivelle est lancée six mois après Verdun. Sur le front, dans les ambulances, comme dans les postes de secours situés à quelques kilomètres de la zone des combats, les morts et les vivants se côtoient continûment. Les corps sont déchiquetés ou disparus, méconnaissables. La chanson de Craonne dit la souffrance et le sacrifice vain. La démoralisation des soldats s’exprime au travers des mutineries, qui donnent lieu à des « exécutions pour l’exemple ». De fait, comment s’établit une communauté de deuil ? Les travaux de Béatrix Pau et de Winter Jay ont enrichi la réflexion sur ce point.
L'atelier s’appuie sur les ressources du Mémorial virtuel du Chemin des Dames. Elles offrent aux élèves la possibilité d’une histoire au plus près des réalités vécues par les combattants et d’acquérir différentes compétences, notamment « pratiquer différents langages », « raisonner » et « s’informer dans le monde du numérique ». Ces ressources sont à croiser avec d’autres témoignages et récits.