Le Centre de Calcul de l’Université de Madrid, 1968-1973 : Archéologie de l’art numérique
Carte blanche au Frac Centre-Val de Loire
En 1968, le premier ordinateur fait son apparition dans l’université espagnole, marquant le début des activités du Centre de Calcul.
Après des décennies d’isolement culturel, des artistes, des architectes et des musiciens se lancent alors dans une réflexion autour de l’exploitation de l’ordinateur dans leurs processus créatifs. Le Centre de Calcul devient alors l’espace de liberté créatif le plus significatif de la fin de la dictature en s’affirmant alors comme une structure d’expérimentation collective, dans un contexte où le rassemblement « avait une signification particulière, presque subversive ».
L’immunité assurée par l’aura de la technologie, en apparence non-idéologique, permet au Centre d’impulser un élan sans précédent à l’innovation espagnole restée en gestation. S’ensuit une double rupture : l’effondrement du bloc culturel imposé par le régime politique ; la disparition des frontières entre les différents champs de la création, ouvrant l’expérimentation à de nouvelles voies d’expression.
En jetant « des ponts entre un monde absolument virtuel et imaginaire, et un monde réel », le Centre de Calcul ouvre l’écriture à d’autres horizons d’expérimentation tels que la musique et les arts plastiques. Les explorations autour du langage et des processus de « projection » constituent le cœur des recherches du Centre de Calcul et s’appuient autant sur les nouvelles théories linguistiques de Noam Chomsky (les grammaires génératives) et de l’information de Max Bense, que sur l’héritage de la poésie expérimentale espagnole.
L’intégration de l’ordinateur dans les processus créatifs de la musique, de l’art et de l’architecture met en évidence la nécessité de revenir à l’essence et à l’origine des choses en analysant de façon logique et systématique les langages des différentes disciplines. L’ordinateur devient un outil d’exploration du présent et de l’immédiateté, en rupture avec toute forme de certitude : « l’intention était de donner une idée d’œuvre ouverte, au sens où les différentes pièces qui composent chaque œuvre sont susceptibles d’être ordonnées de différentes manières… sans pour autant que la structure globale ne change […] » (José Luís Alexanco).
Les pionniers du Centre de Calcul ont ainsi formé une communauté dont l’expérience collective s’est affirmée comme la revendication d’une autre forme de production artistique, à la croisée des disciplines académiques.