L'art français est-il un art de l'étranger ?

Entretien proposé par le Conseil Scientifique L’un de nos plus grands poètes, Guillaume Apollinaire, est un slave, fils d’une aristocrate polonaise et très certainement d’un noble italien, qui bâti sa vie comme un vagabond ivre de liberté. Les Français pensent que Picasso est Espagnol d’origine mais naturalisé après la Seconde guerre mondiale et peut-être même avant. Or l’auteur de Guernica est mort Espagnol après avoir voulu être Français, mais en vain, malgré l’épisode de la Résistance qui l’ancre dans son pays d’adoption. Nombre des ténors de l’art français sont venus d’ailleurs, ce que l’on s’empresse d’oublier pour les intégrer au panthéon national. Au cours d’un dialogue avec Nicolas Truong, grand reporter au Monde, Laurence Bertrand Dorléac historienne de l’art, analyse les aléas de leur intégration ou de leur exclusion, et nous instruit sur le processus social, économique, politique, qui fait passer de l’Etranger à la France. Selon l’autrice de L’Art de la défaite (1995), de Pour en finir avec la nature morte (2020) et Le lion de Rosa Bonheur (2024), c’est au centre des œuvres que s’incarne le combat de la France de Fernand Braudel, « résidu, additions, mélanges et combat contre soi-même ». Et c’est au cœur des formes, des couleurs, des formats et des gestes que l’on cherchera de façon récurrente une tradition française artistique identifiable au pays, tandis que venaient la défier régulièrement les artistes de passage ou plus durablement parisiens et français.