La naissance du noir et du blanc (XVe – XVIIe s.)
A l'occasion de la publication de l'ouvrage de Michel Pastoureau, Blanc. Histoire d'une couleur (Le Seuil)
A partir du XVe siècle, le noir et le blanc entrent dans une nouvelle phase de leur histoire. Désormais étroitement associés - ce qui n’était pas toujours le cas auparavant - ils acquièrent au sein de l’ordre chromatique un statut particulier qui peu à peu conduit à ne plus les considérer comme des couleurs à part entière. Les XVIe et XVIIe siècles voient ainsi se mettre progressivement en place une sorte de monde « en noir et blanc », d’abord situé sur les marges de l’univers des couleurs, puis hors de cet univers, et enfin à son exact opposé.
Ces mutations lentes et longues - plus de deux siècles - commencent dès avant l'apparition de l’imprimerie, avec la diffusion de la peinture en grisaille puis des premiers bois gravés, pour atteindre leur point de rupture en 1666. A cette date, le jeune Isaac Newton réalise différentes expériences autour de la lumière traversant un prisme de verre. Ce faisant, il découvre un nouvel ordre des couleurs : le spectre. Celui-ci met quelques décennies avant d’être accepté par l’ensemble du monde savant, puis d’exercer son influence sur la culture matérielle et la vie quotidienne ; il reste jusqu’à aujourd’hui l’ordre scientifique de base pour classer, mesurer, étudier et contrôler les couleurs. Or dans cette nouvelle échelle chromatique – violet, indigo, bleu, vert, jaune, orangé, rouge - il n’y a plus de place ni pour le noir ni pour le blanc : ce ne sont plus des couleurs.