La mer et l'exil : abdications, déchéances et fuites des souverains hors de France, 1814-1870
En seulement deux générations tous les modèles monarchiques s’effondrent, soit deux empires et deux monarchies constitutionnelles (Restauration et monarchie de Juillet), que ce soit sous le coup des défaites militaires (1815,1870), de complots (1814) et de révolutions (1830, 1848).
Si le mot abdication recouvre plusieurs réalités – déposition forcée, renonciation volontaire ou départ précipité entériné a posteriori par un nouveau pouvoir –, toutes ces fins de règne ne firent en réalité que perpétuer, tout en les remettant au goût du jour, des modèles anciens. Les derniers souverains de notre histoire étaient sans le savoir des héritiers des déchéances passées, vivant dans un siècle fasciné par l’histoire et par les tragédies. Les équipées improbables de ces monarques déchus, contraints à l’anonymat, fuyant leurs anciens sujets et recherchant désespérément un asile en Angleterre, permet aussi d’évoquer les conditions de leur embarquement puis de leur dernier voyage, tout en mettant en avant une autre facette de leur rapport à la mer, ces souverains ayant tous été à leur manière de grands voyageurs, habitué aux longues navigations.
Mêlant la mystique du pouvoir aux considérations politiques, diplomatiques ou juridiques les plus complexes, offrant des récits riches en suspense, ces déchéances successives de 1814, 1815, 1830, 1848 et 1870 ont aussi pour caractéristique paradoxale de renvoyer une autre image du régime qu’elles terminent, comme si la nature même d’un pouvoir souverain ne se dévoilait jamais mieux qu’au moment de sa disparition. Le XIXe siècle fut peut-être le siècle des révolutions, mais il fut aussi celui des couronnes brisées, une épidémie ayant frappé toute l’Europe, dont les abdications contemporaines des XXe et XXIe siècles sont les héritières directes.