La belle image de l’industrie. Les paysages de l'industrialisation

Carte blanche à l'Institut de la Gestino Publique et du Développement Économique et au Comité pour l'histoire économique et financière de la France

Des spécialistes de l’histoire de l’industrialisation et des archives d’entreprises présentent deux ou trois images (photos, plans, estampes) inédites témoignant de l’emprise de l’industrie sur les espaces ruraux et urbains et des stratégies déployées pour la dissimuler depuis le XIXe siècle.

Arnaud Peters et Olivier Defêchereux, de l’Université de Liège, présentent trois images visant à « naturaliser les pollutions », à « fondre » l’industrie dans le paysage. Ils analysent deux lithographies « bucoliques » choisies dans la collection des estampes d’Adolphe Maugendre du milieu du XIXe siècle qui idéalisent la relation entre l’usine et l’environnement : une de l’usine d’Angleur et l’autre de l’usine de Flône. Le troisième document renvoie une image opposée. Il souligne les marques de l’ancienne entreprise charbonnière dans un terrain situé à Quaregnon (région du Borinage). 

Kevin Troch, qui vient de consacrer sa thèse à « une histoire environnementale de l’extraction du charbon de la fin du XVIIIe siècle à l’entre-deux-guerres à travers l’exemple du Couchant de Mons et du Valenciennois », présente deux photos des effets des affaissements miniers dans le bassin transfrontalier du Borinage lorsque les mines étaient encore en activité. L’ampleur des dégâts provoqués a conduit à créer des « zones de sacrifice » pour la population et l’environnement.

Gersende Piernas, responsable du pôle Entreprises des Archives nationales du monde du travail (Roubaix) commente une carte et une photo représentant l’emprise des compagnies minières de Decazeville et de Lens sur les territoires.

 

Ces images soulignent autant qu’elles cherchent à dissimuler les méfaits de deux siècles d’industrialisation sur les populations et sur les paysages. Elles exhument les stratégies défensives des compagnies et sociétés industrielles accusées ou soupçonnées de causer un préjudice à l’environnement. Ces images montrent les efforts des Compagnies minières pour « réparer » les dégâts provoqués par l’intensification de l’exploitation charbonnière. Plus généralement, elles pointent les efforts des sociétés et compagnies industrielles pour affirmer que leurs activités ne menacent pas la qualité de l’environnement. Les estampes de Maugendre attestent aussi de la mobilisation des milieux artistiques dans cette entreprise.

Ces « belles » images de l’industrie nous apprennent que, poussés par les riverains, les industriels ont très tôt pris conscience de l’importance des nuisances provoquées par leurs activités et qu’ils ont aussi très tôt cherché – et visiblement trouvé – les moyens de désamorcer les critiques.

Ces représentions de l’industrie aux champs, d’une industrialisation « soluble » dans l’écologie, attestent du pouvoir de l’image sur l’opinion. En définitive, ces « belles » images de l’industrie, fabriquées par les industriels et par les intérêts qui les soutiennent, continuent à l’emporter sur les cris d’alarme invitant à changer de mode de croissance.

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