Invoquer les morts, commémorer les ancêtres : pratiques de l'intime et pratiques publiques

Carte Blanche à la Fondation pour la Mémoire de l'esclavage Quelques gouttes d’alcool versées sur le sol. Fréquent au sein des mondes qu’a généré l’esclavage colonial, ce geste de libation « pour les morts » marque le début de nombreuses activités sociales, religieuses ou profanes, et rappelle que là, rien ne se peut se faire sans la bénédiction de ceux et celles qui nous ont précédés. Il révèle de même l’importance des êtres disparus dans les imaginaires caribéens et des îles de l’océan Indien dont le souvenir peut revêtir deux formes. D’un côté, les morts sont des esprits qui cohabitent et interagissent avec les vivants. De nombreux cultes nés de la rencontre de ritualités africaines et européennes donnent une place importante à ces entités qui, grâce à la divination, la médiumnité et la possession, prodiguent conseils et protection. De l’autre côté, les morts sont des ancêtres. Alors que position sociale et ascendance furent inextricablement liées par le système esclavagiste, la reconstruction de lignées biologiques, spirituelles ou idéologiques, constitue un puissant outil d’affirmation de l’identité et de lutte d’émancipation postcoloniale. Recréant le lien brisé par la traite et l’esclavage, la révélation des généalogies par les sciences ou les religions nourrit un discours politique sur l’africanité qui prend corps lors des commémorations publiques ou au sein des musées et des mémoriaux. En s’appuyant sur des exemples issus notamment des sociétés guyanaise, cubaine et mauricienne, la carte blanche de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage est ainsi l’occasion de présenter et de débattre autour de cette diversité des pratiques sociales qui engagent les morts depuis l’intimité des foyers jusqu’à l’espace public.