Innovation technologique : menace ou opportunité pour Amnesty International et les droits humains?
Carte blanche au groupe local d'Amnesty International de Blois
Depuis la création d’Amnesty International en 1961, sa capacité à défendre les droits humains - tels qu’énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme - est conditionnée à celle d’innover, de créer de nouveaux outils et de s’adapter sans cesse à des réalités nouvelles, à un monde bouleversé notamment par les mutations technologiques.
Amnesty International est confrontée à la dualité intrinsèque de l’innovation technologique : paradoxalement, celle-ci peut aussi bien faciliter les violations des droits humains que la défense de ces mêmes droits.
Ainsi, d’un côté l’ONG a inclus dans ses actions et campagnes la défense de cyber-militants, et dénonce également les violations commises grâce à des outils numériques – surveillance et censure sur Internet, et répression. Dans cette action, Amnesty International prend pour cibles bien des États – sans oublier les États démocratiques qui commettent eux aussi des violations notamment au nom de la lutte antiterroriste - mais ce sont également les entreprises qui sont rappelées à leurs responsabilités lorsqu’elles fournissent aux États des outils de surveillance de masse et de répression.
D’un autre côté, les technologies numériques amènent un mouvement comme Amnesty International à questionner ses pratiques militantes et à repenser son action : de nouveaux outils sont intégrés à la fois à son travail de recherche et à ses campagnes, afin de mieux agir en faveur du respect des droits humains. Ce virage numérique est devenu un enjeu majeur pour accroître sa visibilité, sa réactivité et sa capacité de mobilisation, notamment auprès de nouveaux publics : site internet tourné vers l’action, réseaux sociaux, outils numériques de protection... Mais innovation suppose aussi accompagnement et c’est pourquoi ont été mises en place des formations gratuites pour les membres.
Enfin, il est essentiel d’interroger les limites de cette adaptation aux nouvelles technologies : certes, le monde change et Amnesty International doit changer avec lui, suivre les évolutions à la fois des violations et de la défense des droits humains, qui se déplacent aussi sur le terrain numérique. Cela nécessite beaucoup d’agilité et d’innovation, de remise en cause permanente et c’est cela qui fait notre richesse. Mais tout l’enjeu pour notre mouvement est de ne jamais mettre en péril sa légitimité et sa crédibilité. C’est pourquoi il nous faut à tout prix maintenir un équilibre entre vitesse de réaction et patience dans le recueil de données et la construction d’une position officielle, fondée à la fois sur le droit international et l’observation minutieuse et impartiale de la réalité du terrain. C’est une condition sine qua non de notre efficacité et de notre impact sur l’état des droits humains dans le monde. Cet équilibre dit tout simplement ce que nous sommes et voulons rester.