Images de puissance, puissance des images à la fin de l'Antiquité : politique, religion, philosophie et discours visuel
Carte blanche à l'Association pour l'Antiquité Tardive
Dès le règne d’Auguste les empereurs romains ont élaboré un discours visuel raffiné, parfois chiffré, que seuls quelques-uns pouvaient pleinement comprendre, mais le plus souvent accessible à tous, d’une remarquable efficacité, mais aussi d’une certaine complexité. La fin de l’antiquité, pendant laquelle se renforce l’aspect autoritaire du pouvoir des souverains, marqué parfois d’une forte empreinte religieuse, voit s’accentuer encore le rôle des images, qui tendent, souvent de manière brutale, à manifester la toute puissance impériale, en renforçant le caractère abstrait de son exercice. La victoire de l’empereur sur les Barbares peut s’exprimer ainsi avec une extrême violence, tandis que l’unité d’un pouvoir partagé à maintes reprises entre plusieurs se traduit, elle, par l’abstraction de la figure de souverains identiques dans leur aspect physique, une tendance qui se reflète ensuite dans le portrait privé. Parallèlement aux formes d’expression plus classiques, qui perdurent, un langage iconographique nouveau, volontiers simplificateur, s’élabore dans tous les arts, dans la sculpture notamment, sur les reliefs comme dans la statuaire, mais aussi sur les monnaies, ou bien encore sur les mosaïques et dans la peinture. Tous les puissants y ont recours, et non seulement les empereurs : les images sont un levier de choix pour asseoir son emprise sur ses égaux comme sur les foules. En poussant les choses jusqu’à un point extrême, il arrive que ce ne soit pas le contenu de l’image, mais celle-ci, en tant que telle, qui exerce sa puissance : en témoigne le cas exceptionnel du doit d’asile dont on peut bénéficier auprès de certaines statues impériales.
Des procédés visuels identiques sont élaborés, volontiers sous une forme plus séduisante, pour mettre en images, et donc rendre visibles des idées philosophiques, mais surtout religieuses : la théologie mithriaque, entre autres, y est très sensible. Or l’antiquité tardive est marquée en profondeur par le développement d’une nouvelle religion, le christianisme. Ce dernier, qui va s’affirmer à partir de Constantin jusqu’à devenir religion d’État à la fin du IVe siècle, reprend rapidement à son compte toutes les potentialités de l’image et du discours visuel élaboré par le pouvoir impérial : le Christ, souverain universel, trône à la manière des empereurs. Toutefois, les modes d’expression se transforment eux aussi : la statuaire, trop liée à la religion traditionnelle, et produisant des œuvres considérées comme pouvant abriter des démons, est rapidement abandonnée au profit d’autres formes d’expression, la mosaïque notamment. Bon nombre de représentations figurées visent ainsi à traduire la majesté et la toute puissance divine, en relation avec l’architecture des édifices de culte. Mais les mêmes images reviennent encore, dans d’autres contextes, dans le domaine religieux comme dans celui du pouvoir, dans les arts précieux, ivoires, orfèvrerie et manuscrits, avec des visées analogues.