Gouverner en temps d’exception : Michel Debré, commissaire de la République pour la région d’Angers à la Libération (10 août 1944-10 avril 1945)

Conférence Carte blanche au service interministériel des Archives de France

Quand, dans ses Mémoires, Michel Debré revisite les heures inoubliables de la Libération, il se souvient des conditions difficiles et exaltantes de sa prise de pouvoir à Angers, le jour même de l’entrée dans la ville des troupes américaines du général Patton. Il écrit : « il n’est pas encore huit heures du soir, ce 10 août 1944. Je commande la Préfecture, et je suis devenu l’Etat ». Il conservera toujours même lorsqu’il sera appelé aux plus hautes fonctions, un attachement particulier pour se moment où se joue le sort du gouvernement de la France, ou sortent de la clandestinité, comme lui, les représentants que patiemment, au prix de mille dangers, le général de Gaulle a préparés et formés à exercer le pouvoir lorsque viendrait l’heure attendue de la victoire. Ses archives méticuleusement conservées aux Archives de Maine-et-Loire permettent de retracer, en temps réel, les préoccupations et actions qui furent les siennes. La constitution autour de lui d’une équipe restreinte et fidèle, qui prend en mains avec résolution la gestion des départements qui forment la région d’Angers : Maine-et-Loire, mais aussi Sarthe et Mayenne, Loire-Inférieure et Indre-et-Loire. Les premiers actes immédiats d’effacement des traces de l’occupation nazie ; la relance de la vie économique et la grave question des approvisionnements ; la sécurité dans une région ou la guerre dure encore, incrustée dans la poche de Saint-Nazaire ; la justice qui doit être forte et digne, ne laisser place ni au laxisme ni à la vengeance ; le retour de la démocratie. Une tâche immense, qu’il assume pendant huit mois sans un instant de répit, avec la fierté d’accueillir à Angers, le 14 janvier 1945, le général de Gaulle acclamé par la foule au balcon de l’hôtel de ville. Lorsqu’il quitte Angers pour Paris le 10 avril 1945, la vie a repris son cours ; « Je sens, dit-il, approcher le jour ou mes fonctions prendront le tour ordinaire d’un haut fonctionnaire en province ». Il veut poursuivre le combat, continuer à défendre les valeurs auxquelles il croit, de manière plus politique : « œuvrer pour une République neuve ».