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Faire l’histoire de la consommation (France, XIXe-XXe siècle)

L’histoire de la consommation n’est pas anecdotique. Pour Michelet (Le Peuple, 1846), c’est reconstituer l’évolution d’un phénomène complexe aux multiples dimensions dont la place est centrale dans nos sociétés. Il a fallu attendre les années 1980 pour que les historiens anglo-saxons reprennent ce programme. En France où, malgré des travaux pionniers, l’engouement fut moins grand, l’histoire de la consommation à l’époque contemporaine n’a suscité qu’un petit nombre de recherches monographiques et personne n’a tenté jusqu’ici d’en donner une interprétation d’ensemble qui fasse tenir ensemble les acteurs, les objets, les pratiques et les représentations. C’est précisément l’objet de ce livre.

Parce que la consommation est un objet globalisant, il fait se rencontrer une histoire économique qui s’intéresse à l’offre des marchandises et à leur commercialisation, une histoire sociale attentive à la répartition des produits et au développement de modèles socialement différenciés de consommation, et une histoire culturelle qui s’attache au sens que prend leur possession pour les individus et les groupes.

 Alors qu’ils sont trop souvent traités comme de simples figurants, les consommateurs sont mis au centre de la scène avec pour objectif de restituer leur expérience. La consommation est d’abord un rapport aux objets, mais leur place ne peut être comprise qu’à la condition de suivre tout le cycle qu’ils parcourent, depuis leur production jusqu’aux formes multiples de leur appropriation. Ce qui impose de tenir compte de l’action de toutes les forces qui participent à la définition du produit  et à la construction du  marché ; d’appréhender les objets de consommation dans leur double dimension, matérielle et symbolique ; d’analyser le marché comme une scène complexe où se réalisent des arrangements variés entre l’offre et la demande ; et de saisir les pratiques par lesquelles les consommateurs s’approprient les objets.

La consommation est socialement différenciée, si bien que les différents groupes sociaux ne consomment pas les mêmes choses ni de la même manière. D’où la nécessité de décrire les modes de consommation des principaux groupes sociaux qui se cristallisent dans les budgets des ménages, mais aussi leur transformation qui résulte des phénomènes d’imitation et de diffusion.

L’histoire de la consommation fait se succéder des régimes de consommation qui articulent de manière spécifique le système la production des objets, les formes de commercialisation, la répartition des revenus, la composition des budgets des ménages, les structures du marché, et une culture de la consommation. Ce livre s’efforce donc de reconstituer les cinq régimes de consommation qui se sont succédé depuis le moment où, vers 1840, le capitalisme industriel a commencé à s’emparer de la production des biens de consommation jusqu’aux transformations contemporaines de la consommation de masse et à sa remise en cause par la critique écologiste.

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