Europe passoire ou Europe forteresse : quelles sont les réalités de la crise migratoire ?

Pour les uns, l’Union Européenne laisserait passer sans réel contrôle des migrants par centaines de milliers, dont certains terroristes. Pour les autres, elle serait un El Dorado inhospitalier pour des réfugiés traversant l’enfer au péril de leur vie. Qu’en est-il en réalité ?

Depuis 2015, l’Union européenne traverse ce qui a été qualifiée de « crise migratoire » par les médias et certaines personnalités politiques. En effet, à partir du printemps, le nombre de migrants tentant la traversée de la Méditerranée par la Grèce augmente considérablement, ainsi que le nombre de victimes qui s’élèvent à plus de 1 200 morts pour le seul mois d’avril 2015 et à plus de 3 500 pour l’année entière. En réalité, la crise a débuté dès le début des Printemps arabes en 2011 mais l’intensification de la guerre en Syrie a entraîné un accroissement massif du nombre d’arrivants. Face à cela, l’Europe s’est-elle laissée dépasser faute d’anticipation et de réaction appropriée ? Devant l’afflux de réfugiés en Grèce à l’été 2015, l’UE a constaté l’échec du système d’asile Dublin III de 2013 et l’Allemagne a décidé d’accueillir près d’un million de ceux-ci. En parallèle, la Commission européenne a fait voter par les États un système de relocalisation sur deux ans visant à soulager les pays les plus touchés par la situation. Cependant, le nombre même de migrants concernés par cette politique (160 000) était très faible par rapport au nombre global des arrivées quotidiennes. En outre, certains pays ont finalement refusé d’appliquer cette décision, tandis que beaucoup de ceux qui avaient accepté n’ont au bout du compte que très mal rempli leur part du contrat. Ainsi, en septembre 2017, la France n’avait accueilli que 4 278 demandeurs d’asile sur les 19 714 qu’elle s’était engagée à « relocaliser ». Face à l’échec de système, l’UE a signé en mars 2016 un accord avec la Turquie afin que celle-ci s’engage à mieux surveiller ces côtes et à garder les demandeurs d’asile sur son territoire en échange de l’accueil par voie sécurisée et légale de 72 000 migrants, alors même que près de 3 millions attendent dans ce pays un départ pour l’Europe.

Dès lors, peut-on réellement parler de crise ou est-ce simplement l’Union et ses États qui ont failli et ont fait d’un vaste mouvement migratoire une véritable crise humanitaire ? L’UE a-t-elle vendu son âme et ses principes dans l’accord avec la Turquie ? Est-elle donc devenue, forte du système de surveillance Eurosur et de son corps européen de garde-frontières et de garde-côtes, une forteresse inhumaine ? Ou est-elle au contraire, comme l’affirment les partis nationalistes un peu partout sur le continent, une passoire laissant entrer sans restriction des migrants de toutes origines, voire des terroristes menaçant la sécurité des citoyens ?

Marion GAILLARD

 

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