Des images pour faire la guerre XVIe-XIXe siècle

Le 9 juin 1860, dans un article du journal Chemical News, Frederick Augustus Abel, directeur du Chemical Establishment of the War Department du Royaume-Uni, dressait le bilan des « récentes applications de la science, contribuant à l’efficacité et à la prospérité des forces militaires ». Au-delà des innovations survenues dans le domaine de l’armement et des transports, il soulignait le rôle nouveau de la photographie et de ses applications « dans des buts militaires. Non seulement elle offre le meilleur moyen d’enregistrer les résultats des expériences ; mais elle est aussi utilisée avec un gain équivalent pour communiquer à distance de la façon la plus claire aux autorités militaires tous les changements introduits dans la nature et les dispositions des équipements militaires et elle offre également une aide importante à ceux qui sont en charge de l’instruction des soldats ».

La photographie offrait de nouveaux développements à l’utilisation militaire de l’image, qui avait connu un formidable essor au XVIe siècle, au moment où la révolution militaire convergeait avec celle de l’imprimé. Dans son Art de la guerre publié en 1520, Machiavel avait utilisé un nouveau procédé typographique pour figurer les ordres de batailles et en illustrer les raisons mathématiques. Les techniques de l’imprimerie offrirent alors à la pensée militaire de nouvelles ressources, qui contribuèrent à l’entreprise de réduction de la guerre en art. Comme l’expliquait Diderot dans le prospectus de l’Encyclopédie, « le peu d’habitude qu’on a et d’écrire et de lire les écrits sur les arts rend les choses difficiles à expliquer d’une manière intelligible. De là naît le besoin des figures. ». De fait, de multiples supports graphiques furent mobilisés dans la pensée et la pratique militaires. Les cartes furent, bien sûr, une modalité essentielle de cette « raison graphique » de la guerre. Leur utilisation dans une perspective directement opérationnelle contribua à modifier les pratiques mêmes de la guerre. Comme le soulignait l’ingénieur Charles Louis Dupain de Montesson dans L’art de lever les plans de tout ce qui a rapport à la guerre et à l’architecture civile et champêtre, « la carte d’un pays, le plan des fortifications d’une ville, celui d’un poste et d’un retranchement, le cours d’une rivière, ou même d’un petit ruisseau, etc. d’un parc, d’un jardin, d’une forêt, d’un édifice civil, etc. deviennent souvent l’âme des projets les plus admirables … ». C’est pourquoi, en 1793, un cabinet topographique fut directement rattaché au Comité de Salut Public auprès de Carnot qui disposait ainsi d’un véritable instrument de planification et de conduite des opérations.

Il s’agit ainsi de comprendre comment les images ont contribué, non seulement à modeler les représentations de la guerre, mais également à en façonner la pratique.

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