Décoloniser l'histoire de la Méditerranée
Carte blanche au Comité de Vigilance face aux Usages publics de l'Histoire (CVUH) « Notre mer » pour les Romains, « Mer des Romains » pour les Arabo-musulmans du Moyen Âge, « Mer blanche » pour les Turcs, « Grande Mer » pour les Juifs : la Méditerranée n’est pas seulement une étendue liquide reliant l’Europe, l’Asie et l’Afrique. Elle est perçue selon des points de vue différents, en fonction des puissances qui s’y sont déployées et affrontées, empires et royaumes, avant les nations européennes et leurs ambitions coloniales. Ainsi, la mer Méditerranée est née comme la frontière entre Orient et Occident, avant l’émergence médiévale d’une ligne de partage nord-sud qui opposa les mondes chrétiens latin et byzantin aux mondes islamiques puis se prolongea aux époques modernes et contemporaines, le temps des Empires coloniaux venant imposer la domination de l’Occident. Aussi la représentation de la Méditerranée comme le berceau d’une civilisation partagée entre ses rives est-elle longtemps restée secondaire et marquée par des rapports de force sous-jacents. Depuis la disparition des Empires coloniaux et la fin de la guerre froide, l’histoire de la Méditerranée connaît toutefois, comme celle du Maghreb ou du Moyen-Orient, un processus de décolonisation. L’objectif est d’interroger l’ampleur et les limites de ce processus en réfléchissant à la persistance des mémoires et des conceptions issues du passé colonial dans cette histoire, telle qu’elle est pensée aujourd’hui. Quels sont les approches et les terrains privilégiés par les historiennes et les historiens ? Dans quelles conditions concrètes travaillent-ils/elles ? Est-il possible d’écrire aujourd’hui une histoire commune depuis ses différentes rives ?