De la terre à la mer, de la mer à la chair : dans l'intimité de la contamination océanique. Le cas du Chlordécone en mer (Martinique)

Les pesticides sont présents dans tous les milieux marins, jusque dans les profondeurs des fosses océaniques. Or, le niveau de contamination chimique au sein des aires marines protégées et leurs effets toxiques sur les écosystèmes sont largement méconnus.
En Martinique, l’utilisation de l’insecticide organochloré Chlordécone entre 1972 et 1993 dans les bananeraies est au cœur d’un scandale sanitaire et environnemental pour lequel l’État a récemment reconnu sa responsabilité. La contamination de la faune marine a entraîné la fermeture en 2012 de la pêche le long de 30% des côtes de l’île. Cela a généré des demandes de production de connaissances sur la pollution du milieu marin. En 2014, un observatoire sur la pollution agricole aux Antilles a ainsi été installé en Guadeloupe et en Martinique (OPALE, BRGM/CIRAD/INRAE/IRD), rejoint depuis 2021 par l’IFREMER. Ma thèse en sociologie entamée il y a deux ans, s'intéresse à la façon dont cette contamination marine affecte les pratiques et perceptions de l'environnement marin et sa protection, en Martinique.
Sur la base des matériaux récoltés durant dix mois de terrain doctoral en Martinique (en 2020 et 2021), cette communication s’attachera d'abord à retracer la façon dont la contamination de la mer apparaît dans cette controverse sociotechnique, en marge des questions de santé humaine et de pollution terrestre. Elle exposera ensuite les outils, les techniques, les procédés qui permettent de visibiliser la contamination du milieu marin au chlordécone, et les liens qui s'opèrent entre une contamination "intime" (du corps) et la contamination de la mer, dans les prises qu'ont les acteurs sur cette pollution diffuse.