Conserver les morts

Conférence proposée par le Conseil Scientifique Dans l’histoire de nos sociétés, quels rapports les vivants entretiennent-ils avec les morts, et plus précisément la matérialité de leurs restes ? L’anthropologie nous enseigne que l’altération inévitable du cadavre provoque une réaction de dégoût, qui incite à l’éloigner de nos yeux - voire à le détruire. Pourtant, certains corps ont été préservés, voire exposés à la vue des vivants. Aujourd’hui, en France, environ un tiers des morts fait l’objet de soins de conservation par des professionnels, mais ce geste repose sur des objectifs et des procédés qui n’ont pas grand-chose à voir avec la momification des temps passés ou les fantasmes de la cryogénie. Pourquoi s’est-on efforcé de protéger les corps du néant ? Les ressorts de cet usage sont complexes. Le choix des défunts susceptibles d’en bénéficier, les logiques culturelles et sociales qui lui donnent sens, les modalités techniques mises en œuvre et les résultats obtenus dessinent une constellation de pratiques. C’est cette polysémie que l’on s’efforcera de mettre en lumière, en s’arrêtant plus particulièrement sur le XIXe siècle, qui constitue en France une sorte de paroxysme de la pulsion conservatoire.