Conférence inaugurale : La mer en partages
La mer est d’abord un objet scientifique : entre sciences dures et géographie. Michelet n’écrit-il pas : « C’est par la mer qu’il convient de commencer toute géographie » ?
C’est donc à partir de notions spatiales que l’on peut ancrer l’approche historienne d’un sujet dont l’amplitude tient d’un vertige non exempt de truismes. Cette approche historique impose nécessairement de mobiliser les hommes, communautés et individus, qui entretiennent d’une manière ou d’une autre une relation avec la mer et sans lesquels une réflexion sur l’espace, les territoires et les lieux maritimes tiendrait de l’aporie. Il convient donc de partir de cette trilogie géographique afin de comprendre comment les activités et comportements humains s’inscrivent dans les espaces, les territoires et les lieux et les façonnent ou non. Des échanges marchands aux migrations, des affrontements navals aux constructions juridiques, des productions culturelles aux croyances, se dessine une ambivalence fondamentale entre ce que les hommes pensent maîtriser et ce qu’impose la nature océanique. Puisque ces entreprises de domination se heurtent toujours à des rythmes longtemps imprévisibles qu’une facilité littéraire nomma les caprices de Neptune. La rencontre des hommes avec la mer, c’est structurellement une prise de risque, grosse de pertes possibles qui mêlent dans leurs bilans morts naufragés et faillites économiques. Mais cette fausse familiarité entre les hommes et la mer est devenue un danger pour elle-même puisque tant d’agressions déséquilibrent ces milieux toujours fragiles alors que le flot continue de dégager une impression de force inépuisable. La mer demeure bien pour l’historien un objet de contradiction.