Coexistences insulaires en Méditerranée du XVIe au XXe siècle
L'objectif de cette table ronde est de mettre à disposition des enseignants et étudiants des outils d'analyse, des résultats d'enquête et des questions de recherche, afin de nourrir les débats et les contenus pédagogiques sur le thème de la coexistence dans les sociétés insulaires de Méditerranée envisagée à différentes époques et sous différents angles (politique, ethnoreligieux, social, environnemental, territorial).
Le terrain insulaire est propice à l'exploration des problématiques historiques maritimes de par sa présupposée «insularité» : la tension classique entre l'autonomie potentielle/réelle des îles et les volontés conflictuelles de leur (r)attachement à des côtes continentales et des terres fermes demeure intacte. Mais, la centralité des villes continentales dans l'historiographie ne serait-elle pas juste une question de point de vue ? Nous proposons de décentrer le regard en ciblant des carrefours insulaires (Chypre pendant la conquête ottomane; les îles gréco-vénitiennes après la perte de Chypre par Venise, l'île tunisienne de la Galite sous le protectorat français) qui mettent en jeu des acteurs se muant au sein de sociétés impériales connaissant des entrelacements de diverses natures avec les territoires « métropolitains », les États prédécesseurs et ceux concurrents d'autres rives de la Méditerranée. Dans les périodes de reconfiguration impériale, la lutte pour la propriété ou l'exploitation de ressources naturelles, l'affirmation d'une autonomie politique ou économique, les conflits d'appartenance ethnique ou religieuse, sont autant d'éléments qui divisent autant qu'ils soudent les sociétés insulaires dans leur opposition aux pouvoirs centraux.
Les trois interventions proposées aborderont trois des sous-thèmes communs aux programmes d'histoire-géographie de Lycée. Le premier touchera aux nouveaux espaces de conquête et aux formes de pacification des territoires conquis (prog. Terminale, spécialité, thèmes 1 et 2). Il s'agira d'interroger la permanence du rôle des territoires insulaires dans les projections ultramarines des États, l'établissement de nouvelles frontières et l'émergence de nouvelles formes de coopérations inter ou intra-étatiques. La Méditerranée ottomane offre, sur la longue durée, un terrain particulièrement riche pour appréhender les rivalités et les processus de négociation autour des espaces et des frontières maritimes. Le second thème sera consacrée aux formes de coexistence et de contact au sein des sociétés insulaires de Méditerranée (prog. 2nde, thème 1, chap.2). Que ce soit dans le Stato da Mar vénitien, dans l'Empire ottoman ou plus tard dans l'Empire colonial français, l'intégration des territoires insulaires occasionnent de nouvelles formes de cohabitation -arrivée de nouveaux acteurs, reconfiguration des structures sociales, création de nouvelles institutions etc.- souvent sources de tensions au sein des sociétés insulaires. Il s'agira de présenter une typologie des conflits qui opposent à la fois les différentes composantes des sociétés insulaires, et les collectivités locales aux États centraux, afin de présenter les outils et dispositifs élaborés pour leur résolution (traités bilatéraux, arbitrage, etc.). Le troisième thème portera sur les formes de concurrence pour l'exploitation et la préservation des ressources naturelles, que ce soit entre États, ou entre communautés locales (prog. Terminale, spécialité, thème 5). A Chypre, dans les îles gréco-vénitiennes, comme dans celles qui bordent le Maghreb colonial, la terre et l'eau sont au cœur des préoccupations alimentaires, économiques et politiques. Nous réfléchirons notamment à l'impact des désastres naturels ou des changements environnementaux, qu'ils soient cycliques ou brutaux (disparition de ressource comme le corail au Maghreb, invasion d'espèces endémiques comme les sauterelles à Chypre), sur la configuration des sociétés insulaires et leur rapport avec le pouvoir.