Ciompi d'Agnès PERRAIS
Ciompi d'Agnès PERRAIS, documentaire, France/Italie 2023, 1h23, L’Image d’après, La Surface de dernière diffusion, Grand Prix du Projet documentaire des Rendez-vous de l'histoiore 2019, Sélection Cinéma du Réel 2023
Au Moyen A?ge, à Florence en Italie, une re?volte des ouvriers les plus pauvres de la laine, les Ciompi, renverse le gouvernement. Aujourd’hui, alors que je m’entretiens avec l’historien militant qui a remis en lumie?re cette re?volte, les ouvriers de l’industrie textile moderne se soule?vent. Agnès Perrais
Aux films, nombreux, qui se penchent sur le passé des luttes sociales pour faire résonner leur leçon dans le présent, s’impose une tâche ardue et minutieuse, cernée par deux écueils au moins. Trop penchés sur le passé, ils risquent de l’engourdir dans un formol d’historien, et alors le dialogue n’est plus possible. Trop occupés par le présent, c’est une autre menace qui les guette : qu’à travers le temps les luttes s’égalisent en un motif sans âge ni circonstances. En retraçant le combat des Ciompi à Florence, ce « peuple menu » de l’industrie textile à qui il revient d’avoir mené, à la fin du XIVe siècle, l’une des premières révoltes ouvrières d’Europe, Agnès Perrais fait un subtil pari hantologique. Sans jamais forcer le trait, le film envisage ce glorieux épisode de résistance à la manière d’un spectre tenace et bienveillant, dont la vibration court le long des pierres florentines autant que dans les voix qui, autour de celle de la cinéaste, occupent la bande sonore. La première, idéalement didactique, merveilleusement habitée, est celle d’un historien italien qui a trouvé dans l’étude des Ciompi quelque chose comme une voie de secours où poursuivre la vocation militante qui l’avait fait s’engager, plus jeune, dans la lutte armée. L’autre est multiple et retentit depuis les banlieues industrielles de Florence où, de nouveau dans l’industrie textile, à plus de six siècles de distance, d’autres ouvriers exploités continuent la lutte. C’est à eux d’ailleurs qu’appartient, par la grâce d’une seule phrase, de dire cette pérennité si bien rendue par le film : « Celui qui a raison, rien ne peut l’arrêter. »
Jérôme Momcilovic pour le Cinéma du Réel