Certains morts font de nous des fabricateurs de récits
Conférence proposée par le Conseil Scientifique Au moment où un individu meurt, écrivait Simondon, son activité est inachevée, et on pourra dire qu’elle restera inachevée tant qu’il subsistera des êtres individuels capables de réactualiser cette absence active, semence de conscience et d’action. Sur les individus vivants repose la charge de maintenir dans l’être les individus morts dans une perpétuelle nekuia ». Mon travail m’a conduite à interroger les façons dont certaines personnes qui ont perdu un proche continuent de créer et d’engager des rapports avec ce dernier. Il m’est apparu, au cours de mon enquête, que les récits qui rendent compte de ces rapports présentaient tous des formes particulières. Que ce soit au moyen de la syntaxe ou des choix sémantiques, de l’usage des métaphores ou du détournement de sens de certains termes, ces récits se caractérisent tous par un inachèvement délibéré, un refus de solution, une résistance à la clôture, par le biais de multiples équivoques. Et ce serait là un de leur sens. Ces histoires n’appellent ni interprétation ni solution — et c’est bien là le sens que Debbie Bird Rose, citant Hatley, conférait aux récits que font faire les défunts à ceux qui restent : ils sont, dit-elle, « vocatifs : ils appellent ceux qui leur survivent à créer certains modes de réponse » . Ces récits que font faire les morts sont, en d’autres termes, des inducteurs de vitalité.