Belle(s) île(s) en mer(s) : l'insularité antique comme miroir de l'altérité ?
Carte blanche au réseau Antiquté-Avenir
L’insularité est souvent valorisée en tant qu’espace originel, coupé du monde, faisant référence à un paradis perdu ou à un lieu fantasmé, peuplé de personnages et d’animaux fantastiques. Ainsi en est-il chez Homère de l’île des Phéaciens comme de la Trinacria, abritant les Cyclopes et les bœufs d’Hélios. Mais par-delà l’imaginaire, la dimension politique et sécuritaire ne doit pas être négligée. De nombreuses fondations coloniales commencent par un établissement sur une île proche du continent, comme pour Syracuse originellement implantée sur l’île d’Ortygie. Combien de cités ont construit leur puissance, non en prenant possession des îles du large, mais en rattachant une pérée à leur berceau insulaire ? Tyr et Arados pour les Phéniciens, Rhodes pour les Grecs… les exemples ne manquent pas. Et même lorsque les cités grecques ou d’origine phénicienne s’ancrent sur le continent, l’insularité n’est jamais loin. La stratégie insulaire de Périclès en est un parfait exemple ; Atlantis, imaginée par Platon et miroir d’une Athènes qu’il détestait, ne pouvait d’ailleurs n’être qu’une île. Et si Carthage n’est pas originellement insulaire, c’est d’abord vers les Baléares, la Sardaigne, la Sicile… et non vers l’Afrique qu’elle tourne son regard. L’insularité fut également mise à profit par les Romains. L’encerclement géographique, l’isolement et la dimension sécuritaire contribuèrent à transformer des îles en lieu de régulation de la compétition aristocratique tardo-républicaine. À l’époque julio-claudienne, les relégations insulaires sont plus liées aux reconfigurations politiques et aux luttes d’influence au sein de la domus Augusta, cet isolement insulaire pouvant être subi ou délibéré.