20 millions de Français ? La France de Louis XIV vue par ses intendants.
Carte blanche proposée par le Comité des Travaux Historiques et Scientifiques (CTHS) En 1697, Louis XIV estime que son véritable successeur sera le jeune duc de Bourgogne, son petit-fils, à qui il fait donner une instruction soignée. Pour que le prince connaisse son royaume, le roi ordonne à ses trente-trois intendants de fournir un rapport sur les provinces qu’ils administrent, ce qui nous vaut un tableau de la France vers 1700 : résumé historique et géographique, état moral de la population, éléments démographiques et fiscaux, état économique, religieux et militaire, notations sur l’exode des protestants ayant fui le royaume à la suite de la révocation de l’édit de Nantes. Cette entreprise est unique en Europe en ce temps-là. Ces textes, désormais érigés en piliers de la géographie de la France, sont recopiés tout au long du XVIIIe ; on les enrichit parfois. Initialement destinés à l’usage exclusif du duc de Bourgogne, ces mémoires se répandirent clandestinement d’abord dans la très haute société d’abord, ensuite dans la magistrature et dans le haut clergé. En posséder un exemplaire témoignait d’un certain prestige et certains manuscrits sont des objets d’art. Il s’ajoute dans le même temps à cette enquête un solide outillage cartographique entrepris sous l’impulsion de l’Académie des sciences mais aussi d’éditeurs privés. La combinaison des descriptions statistiques et des cartes, outre les données objectives qu’elles fournissent, permet de se faire une idée juste de la façon dont la France était perçue dans les plus hautes sphères à l’époque de La crise de conscience européenne que les historiens des idées ont identifiée voici déjà longtemps. Il ne fait pas de doute que la grande enquête de 1700 fut témoin et produit de cette crise. Le CTHS assure la publication de ces mémoires d’intendants. L’entreprise touche à sa fin. Aujourd’hui, elle compte 26 volumes parus, 9 000 pages imprimées ; plus de 1 000 manuscrits consultés et transcrits ; y ont coopéré 50 chercheurs bénévoles, actifs sur plusieurs décennies.