Sciences, santé et gouvernement des populations : de l'impérial au global ?

Carte blanche au CERMES 3

Les savoirs relatifs au corps et à la santé jouèrent un rôle essentiel dans l'histoire des empires, puis de la décolonisation. Une grande variété de disciplines scientifiques (médecine, sciences naturelles, anthropologie, ethnologie, etc.) fut ainsi mobilisée de manière particulièrement intensives dans les territoires colonisés.

 

Terrain d'expérimentation et d’innovation privilégié pour les médecins et les savants européens, nord-américains, australiens, ou encore japonais, ceux-ci constituèrent le  site de recherches portant sur les maladies infectieuses et les épidémies. Plus tard, des projets multiformes visant à instituer un « gouvernement des populations » virent également le jour : la reproduction d’une force de travail indispensable à l'exploitation des ressources naturelles nécessitait de prendre en compte, a minima, la santé « des indigènes ». Parallèlement l’étude des plantes médicinales, entre autres materia medica, du seizième siècle jusqu’aux décolonisations, fit l’objet d’une attention continue, contribuant ainsi à la circulation des savoirs à l’échelle du globe et à l’émergence de « go-betweens » entre cultures scientifiques.

 

L’enjeu de cette session sera de réinterroger la chronologie de l’histoire de la santé mondialisée en insistant sur quelques césures. Ainsi, la Première Guerre mondiale est-elle non seulement à l’origine d’une organisation sanitaire internationale, émanation de la Société des Nations (qui documente la situation sanitaire des colonies), mais également de l’émergence au sein des puissances impériales de nouvelles formes de biopolitiques visant les populations « indigènes » privilégiant grands projets d’aménagement et interventions d’autant plus ambitieuses qu’elles sont restées des plans sur la comète.

 

Cinquante ans plus tard, les nouveaux Etats-Nations issus de la décolonisation feront de l’intervention sanitaire une des composantes majeures de leurs politiques de développements : campagnes de vaccination de masse ; construction d’hôpitaux ; nationalisation de la formation des personnels de santé ; promotion du contrôle des naissance ; le tout en lien étroit avec les plans et interventions d’une organisation internationale spécialisée : l’OMS, polarisée par les tensions entre Occident, Pays de l’Est et Tiers Monde.

 

Enfin, troisième césure, dans les années 1990-2000 les partisans d’une « santé globale » instruiront la critique de cette « santé publique inter/nationale », revendiquant un recentrement des actions sur les nouvelles urgences (Sida, maladies chroniques) et l’accès aux médicaments ; l’expertise de nouveaux acteurs « transnationaux » (Banque Mondiale, fondations philanthropiques, ONGs) ; la constitution de nouveaux savoirs opérationnels, à la jonction de l’économie et de l’épidémiologie.    

 

Césures ne signifie cependant pas solution de continuité. De fait, l’un des grands apports de l’historiographie récente est de mettre en exergue les continuités fondamentales qui sous-tendent la transition de l’impérial au Global.

 

Les continuités que cette « carte blanche » visera à mettre au jour concernent aussi bien :

- Les politiques de gouvernement des populations, marquées notamment par l’hubris de la mobilisation et l’organisation verticale des campagnes de masse ;
- Les dispositifs de production des savoirs, avec la constitution d’un monde spécifique de l’expertise sanitaire inter ou transnationale ;
- Les formes de savoirs, travaillées par les tensions récurrentes entre médecine occidentale et systèmes médicaux dits traditionnels, qui conduisent dans certains cas à l’émergence de savoirs hybrides.

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