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Francesca Mantovani © Editions Gallimard
Publié le 30/09/2024

4 questions à Leila Slimani, présidente du salon du livre 2024

Leïla Slimani a publié quatre romans aux Éditions Gallimard, dont Dans le jardin de l’ogre et Chanson douce, prix Goncourt 2016 et Grand Prix des lectrices de ELLE 2017. Elle est aussi l’auteure de récits, d’essais et de bandes dessinées. Sa trilogie Le pays des autres, dont le troisième volume paraîtra en janvier 2025, nous offre une fresque familiale au Maroc, son pays natal.

Elle a eu la gentillesse de répondre à nos questions👇

Vous avez accepté de présider le Salon du livre des Rendez-vous de l’histoire. Quel rôle joue l’Histoire dans votre travail d’écrivaine ? 

Je me vois d’abord comme une romancière de l’intime. J’écris toujours à travers le regard d’un individu et ce qui m’importe, c’est d’explorer des intériorités, de faire voir le décalage entre la voix intérieure et le brouhaha du monde. J’aime par exemple l’idée d’écrire une scène qui se déroule lors d’un évènement dit « historique » et de le faire à travers le point de vue d’un personnage qui n’est préoccupé, lui, que par des évènements intimes, une amoureuse qui ne vient pas, un examen à préparer. L’Histoire m’intéresse mais au second plan. Elle est le présent de mes personnages, présent qu’ils ont bien souvent du mal à saisir, dont ils ne comprennent pas toujours les enjeux ou la portée. Ce qui me fascine c’est le rapport entre Histoire et individu, la façon dont nous pouvons nous sentir écrasés par elle, dont nous sommes aveuglés aussi. 

 

Comment votre culture franco-marocaine a-t-elle influencé votre travail, notamment dans l'écriture de la trilogie Le Pays des autres ?

Je ne le formulerais pas ainsi. Je ne suis pas de culture franco-marocaine. Je suis marocaine et je suis française. Les deux en même temps, les deux aussi intensément. Et si j’ai écrit Le Pays des autres c’est précisément pour expliquer cela, pour tenter d’explorer la relation ancienne, douloureuse et passionnée entre mes deux pays. Pour lever des ambiguïtés aussi autour du métissage, de la binationalité, du statut d’étranger auquel on veut toujours nous assigner quand nous sommes issus du Maghreb. Cette double appartenance est au cœur de ma trilogie : peut-on être de deux endroits à la fois ? Peut-on aimer un pays qui ne nous aime pas ? Qu’est-ce que la loyauté ? 

 

Le Pays des autres fait écho à votre histoire familiale. Quelle importance accordez-vous à la transmission ?

Par transmission, j’entends d’abord « transmission des histoires » et pour moi, une famille est avant tout un récit commun, fait d’anecdotes qu’on se transmet et qu’on transforme, de génération en génération. En ce sens, oui, la transmission m’importe car sans elle il me semble que nous ne serions que des marionnettes désarticulées, que rien ne relierait à rien. Transmettre les histoires est un acte d’amour, une façon de témoigner, pour la génération suivante, de ce que c’est que de vivre, d’aimer, d’échouer, d’essayer. Mon père, qui était un homme très secret, ne parlait jamais de son enfance et c’est une chose que je regrette. Mais en même temps, c’est ce creux, ce vide qui m’a sans doute poussée à écrire. 

 

Vos ouvrages traitent majoritairement de sujets sociétaux, considérez-vous le roman comme un outil de réflexion sociale ?

Pour ma part, je n’ai pas du tout le sentiment que mes romans traitent de sujets sociétaux ou, en tout cas, ce n’est pas une intention de ma part. S’ils le font, c’est presque par accident. Lorsque j’écris, je suis avant tout concentrée sur mes personnages, leurs désirs, leurs émotions, leur vie intérieure. Évidemment, ces personnages sont en constante interaction avec la société et c’est là que peuvent surgir des questions politiques. Mais je n’écris pas sur la maternité, j’écris sur des mères. Je n’écris pas sur la colonisation, mais sur des colons et des colonisés. Je n’écris pas sur la condition des femmes. J’écris sur des individus et j’espère qu’à travers elles se dessine aussi une certaine vision du monde. 

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Francesca Mantovani © Editions Gallimard