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Édition 2022 - La mer|Publié le 27/09/2022

2 questions à François-Xavier Fauvelle et Anne Lafont

Quelles sont les sources – et leur spécificité – pour écrire une histoire de l’Afrique ?

La documentation qui permet de retracer l’histoire des sociétés africaines est, sous certains aspects, tout à fait classique. Il s’agit, pour la période contemporaine, d’archives et de documents imprimés, de témoignages collectés lors d’enquêtes, de fonds photographiques, émanant le plus souvent des sociétés africaines elles-mêmes. À cela s’ajoutent des documents laissés par les pouvoirs coloniaux. Il s’agit donc d’une documentation familière. Mais la documentation présente des particularités autres à mesure que l’on remonte dans le temps. Ainsi, pour la période allant du XVe au XIXe siècle, l’abondance de sources européennes au sujet des sociétés africaines crée une manne en même temps qu’un biais documentaire. Un biais qu’il est possible parfois de contrebalancer en faisant appel à des traditions orales, qui dans certaines sociétés ont conservé une mémoire de certains faits et personnages. C’est également une époque, celle de la Traite transatlantique, qui a généré des déportations massives d’hommes et de femmes et des circulations d’imaginaires et d’objets, qui peuvent également être employés comme des documents historiques. En remontant plus loin dans le temps, la documentation archéologique devient parfois prépondérante. Mais n’oublions pas que certaines sociétés d’Afrique, comme l’Éthiopie par exemple, ont développé une culture de l’écrit depuis des siècles, voire des millénaires.

L’Afrique, un continent toujours « connecté » au monde depuis l’Antiquité ?

Et même depuis la Préhistoire. Ce que nous mettons en évidence, dans L’Afrique et le monde, c’est qu’il faut complètement renoncer à la notion d’un continent « isolé » ou « passif » dans l’histoire. À toutes les époques, des sociétés africaines ont activement pris part à des innovations (par exemple techniques), à des circulations (par exemple religieuses), à des translocations (par exemple de plantes, de modèles politiques, d’oeuvres d’art). Et elles l’ont fait de façons si multiples et singulières qu’il vaut la peine, très souvent, de réinterpréter des phénomènes mondiaux à partir de cas africains, parce que loin d’être périphériques ils sont exemplaires. C’est ce que nous appelons des histoires renouées.

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