2 questions à Élisabeth Moreno
La soirée d’ouverture de l’Économie aux Rendez-vous de l’histoire questionne la place des femmes dans l’économie. En tant que dirigeante d’entreprise et femme politique, pensez-vous que l’un ou l’autre monde soit plus favorable aux carrières féminines ?
De tous temps, les femmes ont contribué à la vie de la cité par le biais économique ou politique mais cette participation a régulièrement été ignorée, invisibilisée ou méprisée. Pendant la Première Guerre mondiale, par exemple, ce sont elles qui faisaient fonctionner l’économie de notre pays en remplacement des hommes partis à la guerre. C’est pourtant seulement en 1965 qu’elles obtiennent le droit de travailler ou d’ouvrir un compte en banque sans demander l’accord de leur époux.
Si la place des femmes dans les carrières économiques et politiques a indiscutablement évolué, depuis un siècle les inégalités entre les hommes et les femmes dans les domaines social, économique et politique restent légion et constituent non seulement un dysfonctionnement démocratique par la faible présence des femmes dans la représentation politique mais aussi par les injustices sociales qu’elles engendrent.
Depuis 1944, une centaine de lois, de décrets et circulaires ont été votés. Force est de constater qu’ils n’ont pas permis d’atteindre une égalité de traitement réelle et concrète entre les genres. C’est pourquoi des ajustements ont été enclenchés pour accélérer ce processus par l’instauration de quotas et de la parité dans l’exercice des responsabilités politiques ou économiques. Nous avons tous à y gagner !
Outre votre parcours inspirant en politique et en économie, vous avez évolué dans le secteur des nouvelles technologies. Est-ce que le numérique a aujourd’hui réussi sa féminisation ? Peut-on en tirer des leçons pour l’économie dans son ensemble ?
Le numérique a fait des progrès en terme de féminisation mais les stéréotypes de genre associés aux carrières numériques font que moins de femmes y travaillent aujourd’hui qu’il y a cinquante ans ! C’est un sujet important pour notre souveraineté numérique et notre performance économique future.
Pour augmenter la participation des filles et des femmes au numérique, il conviendrait d’encourager les parents et les enseignants à sensibiliser les filles, dès le plus jeune âge, à suivre des études dans les STEMs (Science, Technology, Engineering, and Mathematics). Ces formations, comme le mentorat, permettraient d’améliorer l’engouement des filles pour ce secteur souvent mal connu. Comprendre que le numérique peut mener vers les métiers de la santé, de l’éducation ou de l’art peut ouvrir beaucoup d’horizons. Les entreprises du secteur numérique qui peinent à recruter attireront davantage de talents si elles veillent à réduire les écarts de salaire qui existent encore entre les femmes et leurs homologues masculins. Il faut enfin soutenir les ambitions des femmes dans des domaines tels que la programmation, l’ingénierie informatique ou la cybersécurité où le nombre d’emplois est exponentiel et leur participation encore très faible. Valoriser celles qui réussissent peut aider à casser les préjugés et favoriser un environnement de travail inclusif.