2 questions à Claire Thoury
Depuis longtemps, en France, les “jeunes” constituent une catégorie sociale mal définie et stigmatisée par de nombreux préjugés. Aujourd’hui encore, après les générations X, Y, Z, on entend que les jeunes sont démobilisés, apolitiques, narcissiques, rivés à leurs écrans et rétifs au travail !...
Dans votre livre, vous allez contre ces images trompeuses et expliquez que l’engagement des jeunes est simplement différent de leurs aînés. Selon vous, qu’est-ce qui mobilise les jeunes aujourd’hui ? De quelles nouvelles manières s’engagent-ils et elles ?
La jeunesse est une catégorie sociale mouvante par laquelle tout le monde passe et de laquelle tout le monde sort. Pour cette raison, on se permet à l’écart de la jeunesse tout un tas de jugements qu’on ne se permettrait à l’écart d’aucune autre catégorie sociale. Cela ne date pas d’hier, vous trouvez déjà ça si vous lisez Platon, Stefan Zweig ou Agatha Christie. Ce n’est pas une excuse mais cela nous permet de mettre les choses en perspective.
Et parce qu’on a été jeunes nous-mêmes, on a tendance à projeter sur les nouvelles générations nos propres analyses ou projections. Ce n’est pas nécessairement grave mais il y a assez peu de chance de tomber juste car les façons d’être jeunes ne sont plus tout à faire les mêmes. Concernant celles et ceux qui sont jeunes aujourd’hui, on trouve un engagement autour des très grandes causes : l’écologie, la lutte contre les inégalités, la lutte contre le patriarcat, la dignité dans l’accueil des migrants, etc. Ces très jeunes engagés aspirent à un changement radical – au sens de prendre les choses à la racine- de société autour de ces grandes causes notamment. Cela implique un retour du collectif car le changement auquel ils aspirent est tel qu’ils ne peuvent pas y parvenir tout seul.
Membre du Conseil économique, social et environnemental, vous avez déclaré : « Le COVID a révélé le rôle essentiel des associations en France ». Pouvez-vous nous dire en quoi les associations sont essentielles à l’économie et à nos sociétés aujourd’hui ?
On compte 1,4 million d’associations en France, 20 millions de bénévoles, 2 millions de salariés dans le monde associatif. C’est considérable. Les associations sont partout, elles maillent le territoire, elles sont des éléments clés du lien social, du vivre ensemble, de notre démocratie. On ne s’en rend pas toujours compte mais sans association la société ne tiendrait pas : qui derrière les clubs de sport, les activités culturelles, l’aide alimentaire, les actions de solidarité, le tourisme social, l’aide à domicile, l’éducation populaire, etc. ? Des associations la plupart du temps ! On trouve des hôpitaux, des crèches, des EHPAD sous statut associatif aussi.
Le modèle associatif est très puissant pour deux raisons notamment. D’abord parce qu’il est un espace de grande liberté, il faut être au moins deux pour faire association et avoir un objet social défini. C’est tout. En cela, le monde associatif est à l’image de la société et de la diversité des combats, des passions, des intérêts, des envies, qui la traversent. Ensuite parce que le modèle associatif est non lucratif, cela signifie que l’on ne peut pas s’enrichir individuellement en créant ou en présidant une association. C’est très important car cela implique que les choix stratégiques ne dépendent pas d’une logique économique d’enrichissement ou de rentabilité. Cela permet de répondre à des besoins non couverts notamment.