Un « héros ordinaire » dans la guerre d’Espagne et la résistance au franquisme : histoire(s) et mémoire(s) en BD

Miguel Nuñez fut comme des milliers d'autres un résistant au franquisme, comme des milliers d'autres il paya de longues années de détention son engagement. Quinze ans en plusieurs séquences, dans son cas. La torture et près d'un demi-siècle de clandestinité. Mais il a su, comme peu de survivants, témoigner et raconter cette vie. Le scénariste Pepe Galvez -lui aussi rescapé des geôles franquistes - et le dessinateur Alfonso Lopez (le superbe "Terrain vague" chez Hachette Comics et "Une vie de saint" chez Fluide Glacial, pour les francophones) ont initialement conçu cette œuvre comme un présent à leur ami Miguel Nuñez alors qu'il vivait ses derniers jours. L'enthousiasme qu'il manifesta les a conduit à en publier une version alternant texte et 60 planches aux éditions du Ponent (les éditeurs du fameux "L'Art de voler" de Kim et Antonio Altarriba). Contre toute attente, cette version obtiendra le prix national de la culture en Catalogne en 2011. La version récemment publiée par les éditions Otium comprend les 60 planches de l'édition originale et 38 planches inédites. Elle en conserve les qualités tout en les décuplant. - Libraires, éditeurs, et auteurs... nous sommes les uns et les autres convaincus du fait que les récits et autres biographies sont souvent un puissant vecteur de transmission des contenus historiques au plus grand nombre. Dans le cas de la BD, cette puissance est renforcée par celle de la dimension graphique, qui contribue à en faire un outil d'éducation populaire par excellence... - L'emploi de ce médium n'exclut cependant pas, bien au contraire, la nécessité de soulever un ensemble de questions propres à la discipline historique. Ainsi, comment raconter la vie d'un personnage emblématique de son époque, qui plus est en se basant sur ses Mémoires? Quel crédit accorder à ses souvenirs? Comment recouper les informations? En se basant sur quelles sources? Quelle place pour l'interprétation libre propre aux artistes et auteurs que sont le scénariste et le dessinateur? Quelles précautions prendre, quelles distances assumer? Quelle place pour la fiction dans une narration qui cherche l'exactitude historique? Et comment attribuer sa juste mesure à cette histoire incarnée? En d'autres termes comment le héros de la BD peut-il être abordé sans sombrer dans l'héroïcisation démesurée qui constitue trop souvent le principal écueil des "vies édifiantes", en bande dessinée comme ailleurs? Et ce, plus encore dans le cas d'une séquence historique aussi marquée politiquement que la guerre civile espagnole et la dictature franquiste, dont les enjeux mémoriels et idéologiques continuent d'être d'une brûlante actualité ?

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